Histoire du cinéma amateur
Dès la fin du XIXème, en marge de l’essor du cinéma, popularisé par l’invention du cinématographe des Frères Lumière en 1895, se diffuse l’idée d’en rendre la pratique accessible au plus grand nombre. Dès lors, le cinéma amateur, tourné par des particuliers sans volonté d’en faire le commerce, ne cesse de se démocratiser tout au long du XXème siècle; la mise sur le marché de films et de matériel spécifiques soutient ce phénomène.
Des formats de films réservés à des cercles professionnels ou aisés : une lente démocratisation
La démocratisation de la pratique du cinéma amateur s’inscrit dans un long processus. En effet, si le format 35mm est le plus utilisé à l’époque, il reste avant tout un format professionnel ou réservé aux amateurs issus des classes sociales les plus fortunées. Le recours au 35mm est cependant complexe et dangereux : complexe car il est nécessaire d’acheter le négatif puis d’obtenir une copie positive; ce désagrément disparaît avec l’invention du film inversible. Dangereux car la pellicule est inflammable, recouverte de nitrate: la multiplication des incendies dans les cinémas donne lieu à des polémiques qui aboutissent au progressif abandon du nitrate au profit de l’acétate de cellulose qui le remplace définitivement en 1951.
Les autres formats existant à l’époque, le 28mm français ou encore le 22mm américain, datant tous deux de 1912, sont particulièrement limités dans leurs usages. Enfin, les années 1920 voient la naissance du Pathé 17.5 mm dont l’utilisation, déjà marginale, est finalement interdite par le régime de Vichy.
Le 9.5mm de chez Pathé : les premiers succès du cinéma amateur dans les années 1920
Entre la fin du XIXème et 1920, de grandes firmes telles que Gaumont ou Reulos Goudeau rivalisent d’imagination pour concevoir des appareils de cinéma simplifiés ainsi que des formats adaptés et réduits, destinés aux particuliers. Néanmoins, il faut attendre 1922 et l’invention du projecteur Pathé Baby ainsi que du format 9.5mm qui lui est associé pour observer les premiers succès du cinéma amateur. Plus maniable et plus rentable, le projecteur Pathé Baby conquiert la planète entière. Quant au format 9.5mm, il est obtenu en découpant trois bandes dans de la pellicule 35mm; avec sa perforation centrale, toute la largeur de la pellicule est utilisée.
La concurrence américaine : l’invention du 16mm par Kodak en 1923
Afin de concurrencer Pathé, c’est bientôt l’entreprise américaine Kodak qui lance son propre format, le 16mm, accompagné de son projecteur et de sa caméra en 1923. Vendu sur l’argument d’une meilleure qualité de l’image que son rival 9.5mm, le 16mm connaît un grand succès dans son pays d’origine; en Europe, le 9.5mm reste le format de référence des cinéastes amateurs jusqu’à ce que Kodak finisse par s’imposer au début des années 1930 avec l’invention du 8mm.
La domination américaine sur le marché du cinéma amateur jusqu’aux années 1970 : le règne du Super 8 de chez Kodak
La période qui s’ouvre après l’invention du 8mm en 1932 voit Kodak régner sur le marché du film amateur, connaissant l’apogée de son succès international dans les années 1950. La domination de la firme américaine se confirme avec la naissance du Super 8 en 1965. Évolution du format 8mm, le Super 8 obtient rapidement la faveur des cinéastes amateurs : toujours plus économique, les caméras commercialisées en parallèle du développement du Super 8 sont également plus maniables. Par ailleurs, avec le réglage automatique de la caméra rendue possible grâce à l’invention d’un système d’encoche sur le boîtier, la cassette peut désormais être chargée en plein jour et peut même être extraite sans subir de pertes d’images trop importantes. Ce procédé révolutionnaire couplé au développement de Super 8 sonores à partir de 1975, rendent ce format de films particulièrement populaire en dépit de nombreux inconvénients, notamment la détérioration rapide de la pellicule
Le 8 mm : la démocratisation du cinéma amateur à partir de 1932
Après la crise économique de 1929, le développement de films moins coûteux à l’achat pour le grand public devient une véritable nécessité pour les grandes firmes. L’entreprise américaine Kodak saisit l’opportunité pour se réinventer : elle propose le 8mm sur le marché en 1932. Conquérant les Etats-Unis et remplaçant progressivement le 9,5mm en Europe, le 8mm est un véritable succès qui contribue encore davantage à la popularisation du cinéma amateur grâce à un prix défiant toute concurrence. En effet, l’économie réalisée par Kodak provient du système du Double 8 : il s’agit d’une pellicule d’une largeur de 16mm avec des perforations de chaque côté de la bande argentique; les images sont d’abord captées sur la partie droite puis sur la partie gauche. Enfin, lors du développement, le film est coupé en deux et mis bout à bout. Ainsi, pour la même pellicule de 16mm, les cinéastes amateurs obtiennent quatre fois plus de prises de vue ! A cette époque, les caméras sont également peu à peu modernisées avec notamment l’apparition du moteur électrique. Puis, le système du Double-8 évolue en Simple-8, évitant la manipulation de la pellicule consistant à la retourner à l’abri de la lumière. Pour autant, le succès escompté n’est pas au rendez-vous et le Simple-8 ne reste pas dans les annales du film amateur.
Des années 1970 à 1995 : de la bobine à la vidéo
Au cours de la seconde moitié du XXème siècle, le film se transforme progressivement, le grand public adoptant peu à peu le format vidéo analogique. En effet, bien qu’utilisée par les professionnels pour les besoins de la télévision depuis les années 1950, il faut attendre encore vingt ans pour que la vidéo analogique s’étende aux cercles de cinéastes amateurs. Véritable révolution dans le monde du cinéma amateur, l’arrivée de la vidéo facilite le tournage d’images sonores et en mouvement, le son étant souvent un luxe que les amateurs ne pouvaient s’offrir avec des films argentiques. Ainsi, en un peu plus d’une décennie, entre les années 1970 et 1980, le caméscope se répand à travers le monde, vendu à des dizaines de millions d’exemplaires, représentant des centaines de modèles différents. La vidéo analogique présente de nombreux avantages comme la possibilité de réenregistrer plusieurs fois une cassette avant qu’elle ne se détériore ou encore un montage plus aisé. Le succès de la vidéo analogique est tel auprès du grand public que les grandes firmes telles que Sony ou JVC Panasonic se livrent une concurrence commerciale sans merci, conduisant au développement de formats de vidéo grand-public différents.
Le Betamax de Sony est le premier format de vidéo amateur proposé sur le marché, dès 1975, et connaît une très courte période de gloire avant que son rival VHS de chez JVC Panasonic ne remporte la guerre commerciale, bien que technologiquement inférieur. D’autres formats vidéos inspirés du Betamax de Sony suivent tels que le Betacam et le Betacam-SP, bien que davantage utilisés par les professionnels. La cassette VHS quant à elle, ainsi que ses dérivés VHS-C et VHS-HQ, conquiert les cercles de cinéastes amateurs à partir de 1977. En dépit d’une détérioration rapide des images sur les générations ultérieures des copies, la cassette VHS peut être utilisée dans les caméscopes domestiques et lue au moyen d’un magnétoscope de salon VHS : tout à portée de main pour le cinéaste amateur ! La réduction des modèles de cassettes est poussée encore plus loin avec l’apparition de la Vidéo 8 en 1985, censée remplacer ses concurrents Betamax et JVC Panasonic. Évoluant dans une version améliorée en HI-8, la Vidéo-8 ne parvient cependant pas à remporter le marché des magnétoscopes de salon face à ses rivaux.
L’avènement du numérique dans les années 2000 : la révolution du cinéma amateur
Cette guerre commerciale des formats pour remporter les faveurs des cinéastes amateurs de vidéo prend fin en 1995 avec l’apparition d’un standard commun et universel de vidéo grand public, le Digital Vidéo ou DV, popularisé par l’irruption du caméscope numérique la même année. La vidéo, et par extension, le cinéma amateur change alors d’ère avec l’arrivée du numérique.
Dans les années 2000, le numérique permet une plus grande démocratisation des outils audiovisuels; cette démocratisation est bientôt soutenue par le développement de l’informatique et du web. Désormais, les amateurs tournent sur smartphone, montent sur tablette et partagent leur création sur les réseaux sociaux. De plus, le numérique révolutionne non seulement le cinéma amateur mais offre également des solutions aux problèmes de conservation et de diffusion posés par les films argentiques et analogiques. En effet, souvent maintenus dans des conditions conduisant à leur détérioration, la qualité de ces films se dégrade irrémédiablement. Or, si le support n’est pas éternel, les informations qu’il contient restent exploitables et visionnables; le numérique offre une solution de stockage assurant une conservation plus longue de ces images et la possibilité de revivre inlassablement ses souvenirs de famille.
SITOGRAPHIE
Les images amateurs, de Lumière à Youtube
Petite histoire des formats de films – Marseille
Cinéma et vidéo amateurs — Wikipédia