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Coloriser les images

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Auteur(e) : ARCHIPOP

Publié le 21 septembre 2020

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Séquence 1 version N&B
Séquence 1 Version colorisée
Séquence 2 version N&B
Séquence 2 Version colorisée
Entretien avec François MONTPELLIER, fondateur de la société ImaginColor

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C’est à l’occasion d’une collaboration avec CC&C que nous avons eu connaissance du travail de François Montpellier sur la colorisation des images d’archives.
ImaginColor est la société créée à Paris par François Montpellier, spécialiste depuis plus de 15 ans de la colorisation pour le cinéma et la télévision. Avec sa société il a travaillé sur plus de 60 films colorisés en France et à l’étranger notamment avec la ZDF en Allemagne ou la NHK au Japon.Il est aussi connu pour travailler très régulièrement la série historique la plus regardée au monde  « Apocalypse »

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Quel est votre parcours, votre formation ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
J’ai fait l’Université de Valenciennes, maitrise de technique de communication et après j’ai intégré l’ ECPA pour le service militaire et ensuite je suis entré chez Tigre productions pour faire de la post production, du montage, et de fil en aiguille de l’étalonnage et après l’étalonnage, cela m’a donné envie de développer la colorisation.
Le premier film s’est fait avec Daniel Costelle et Isabelle Clarke, il s’appelait « Les ailes des héros »
Dans le cadre des 100 ans de l’aviation. (Une coproduction France 3/Ina Entreprise, Lobster et CC&C . 2003)

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C’est à ce moment là que vous avez créé votre société ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Je suis resté à Tigre Production jusqu’en 2013 et j’ai ensuite créé ma propre société.

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Quelle est la nature de votre travail précisément pour la CC&C ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
J’interviens sur la dernière étape, l’étape de colorisation. C’est à dire que eux, ont monté tout le film, ils sont allés chercher les images de bonne qualité dans plusieurs sociétés d’archives. Nous avons donc un film prêt à diffuser en noir et blanc et c’est à ce moment-là que j’interviens sur la colorisation.

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Les premières images colorisées sont apparues à quelle époque ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Ce sont les Frères Lumières je pense, c’était le début, ça ce faisait en peignant directement sur la pellicule. Ca a été tout de suite inventé en fait.

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C’était pour amener de la couleur et ça a été abandonné lorsqu’il y a eu la pellicule couleur ?

FRANCOIS MONTPELLIER  
Oui, parce que là, c’était un travail de fourmi. On était obligé de peindre chaque copie. C’était un travail de fou.

ARCHIPOP
Et pour ce qui concerne les images d’archives à partir de quelle année a t’on commencé à proposer une colorisation ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Au moment du film Les ailes des héros en 2003.

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Qui détermine les images qui vont être colorisées  lorsque vous avez une collaboration avec une société de production?

FRANCOIS MONTPELLIER
Il y a plusieurs choses. D’abord, il faut avoir l’autorisation de le faire. Pour Apocalypse on fait tout pratiquement systématiquement. Environ 95 % sont colorisées.
Après, quand les sociétés souhaitent ne pas tout coloriser, souvent pour des problèmes économiques, on choisit les images avec le réalisateur. On recherche un équilibre entre la couleur et le noir et blanc.

ARCHIPOP 
Quelles sont les qualités nécessaires à une image pour qu’elle soit colorisée ?
Est-ce qu’il y a des contraintes particulières ?

FRANCOIS MONTPELLIER
Il faut qu’elle soit de la meilleure qualité possible afin que le rendu après la colorisation soit optimal. Il faut qu’il y ait des niveaux de gris assez bien répartis si possible, qu’elle ne soit pas brulée ni sous exposée. On va faire un pré-étalonnage avant la colorisation.

ARCHIPOP
Donc il peut y avoir un travail de fait sur l’image noir et blanc ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Oui et qui peut être de la restauration ou un pré-étalonnage. Cela permet d’avoir des images plus uniformes pour assurer la continuité du film.

ARCHIPOP
Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste l’étalonnage ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
L’étalonnage consiste à donner à l’image une certaine cohérence. Si l’image est sous-exposée, on va augmenter la lumière et si on contraire, elle est trop exposée alors on va la baisser. Quand il s’agit d’étalonnage couleur, on recherche une continuité aussi au niveau des températures de couleur.

ARCHIPOP 
D’après vous qu’apporte la colorisation à l’archive et plus précisément à la narration documentaire ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Ca permet de lire les images beaucoup plus vite : on va beaucoup plus facilement identifier les détails qui nous apparaissent beaucoup plus que dans le noir et blanc.
En couleur, c’est souvent plus chatoyant. Cela donne plus envie aux gens de regarder le film, et surtout cela permet de voir des éléments historiques qui aident à la compréhension.
Cela nous aide par exemple à identifier facilement les uniformes, donc les armées, donc les protagonistes, donc c’est très important.
Il y a des éléments qu’on ne peut reconnaître sans la couleur, un drapeau Français et un drapeau Italien par exemple.
Globalement, cela permet donc un abord plus aisé pour tous les spectateurs même non avertis.

ARCHIPOP 
Est-ce qu’il y a des archives qui ne peuvent pas être colorisées ?

FRANCOIS MONTPELLIER
Non, il peut y avoir des difficultés particulières, par exemple lorsqu’il y a des grandes foules, des mouvements, mais ce n’est jamais techniquement impossible.

ARCHIPOP
Quelles sont les étapes qui précèdent la colorisation ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Dans un premier temps il y a une recherche d’archives de la part des documentalistes. Les images vont être ensuite montées. Pour la dernière série réalisée, près de 700 heures d’images ont été collectées pour aboutir à 6 épisodes de 52 minutes.
À partir de toutes ces images, pour créer leur film final, les auteurs ont sélectionné les passages selon leur scénario , fait une maquette. Cette maquette est faite à partir d’images en qualité moyenne pour pouvoir les manipuler plus facilement. Une fois les choix faits, les images retenues sont achetées. Dans la meilleure qualité possible. Il y aura alors ce qu’on appelle une conformation c’est à dire qu’ils vont replacer toutes ces images dans le film, pour avoir un film de bonne qualité.
En parallèle il y a tout le travail du son : le mixage. Lorsque tout est conformé, il peut y avoir une restauration, un état de pré-étalonnage et enfin la colorisation.
Une fois qu’ils ont toutes les images en couleur, ils les remettent dans le film , ils rajoutent les cartes, les photos , puis il remettent le son mixé, les sous titrages, et enfin les différentes versions pour chaque pays.

ARCHIPOP 
Comment vous documentez-vous pour déterminer, par exemple, quelle est la couleur d’un uniforme, d’un véhicule, d’un bâtiment ,etc ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Nous avons une très grande base de données. Nous avons déjà travaillé sur plus de 100 films donc on a une énorme documentation. Quand il s’agit de CC&C on travaille avec Camille Levavasseur qui se charge de préciser chaque détail.
C’est un gros travail de recherche historique sur des particularités ou sur des personnes qu’on ne connaît pas forcément et qui sont dans l’image : rechercher par exemple comment ils vont être habillés etc. Ca marche aussi sur les bâtiments. Nous collaborons souvent avec des historiens qui apportent leur expertise.

ARCHIPOP
C’est quelque chose qui vous est fourni mais pour définir la couleur, il y a un nuancier, des couleurs pantone ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Non on travaille à partir de photos. Ca dépend beaucoup dans quelles conditions la photo a été prise. C’est à dire avec les histoires de température de couleur, si elle a été prise à l’extérieur ou à l’intérieur, si la personne qui a pris la photo a bien fait attention à ça. Parfois on a de grosses surprises. Vous avez des photos qui parfois sont toute bleues, toute oranges, s’il n’y a pas eu le bon réglage au niveau de la photo. Quelquefois on en a besoin de plusieurs pour déterminer la vraie couleur.

ARCHIPOP 
Quelle est la technique utilisée précisément pour la colorisation ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
On travaille sur une machine numérique pour numériser. On détoure l’objet avec une palette, puis on colorise les parties détourées.
C’est un travail très méticuleux.

ARCHIPOP 
C’est image par image alors ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Oui, image par image.

ARCHIPOP 
Mais avec la possibilité si sur une séquence vous avez pu coloriser un vêtement,
que cela soit reproduit sur la totalité des images ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Oui, on colorise la première image et après on fait évoluer la scène.

ARCHIPOP 
C’est un peu comme un photoshop amélioré alors ?

FRANCOIS MONTPELLIER
Oui, si on peut dire. C’est un peu ce principe là sauf qu’ il faut animer en général 80 000  images pour un simple épisodes. Il faut de la patience.

ARCHIPOP
Combien de temps faut-il pour coloriser un film ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Ça dépend de l’image : si c’est une image fixe, si c’est une photo ou si c’est un plan, cela ne prend pas le même temps. Plus le plan est long et/ou complexe , plus le travail sera long.
En général il faut 10 semaines avec une équipe d’une dizaine de personnes pour un film de 52 minutes

ARCHIPOP
Ce sont les mêmes procédés pour vous de coloriser des images de fictions ou documentaire ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Oui, c’est le niveau de la définition qui est important. Quand le film est destiné à être projeté sur grand écran, ça demande plus de précision, d’autant plus si c’est projeté sur des écrans de cinéma. Il faut être très précis, souvent on travaille sur des formats de 4k avec une plus grande définition.

ARCHIPOP 
Vous travaillez avec beaucoup de sociétés, c’est très diversifié au niveau de la demande ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Oui, c’est très diversifié, on travaille beaucoup à l’étranger avec les Allemands, les Italiens, les Anglais, le japon…

ARCHIPOP 
Ca vient du fait que c’est une spécificité française ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Oui, déjà en France c’est nous qui l’avons développé et après disons que c’est la French Touch…
C’est surtout très important de bien connaitre les lieux et les ambiances pour pouvoir les reproduire le plus justement possible.

ARCHIPOP
De combien de personnes est constituée votre équipe ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
On peut ponctuellement travailler jusqu’à 10 personnes.
Trois à plein temps et après ce sont des gens qui travaillent régulièrement avec nous.

ARCHIPOP
Ce travail de colorisation concerne t’il principalement les documentaires ou intervenez vous aussi sur des fictions, des animations… ?

FRANCOIS MONTPELLIER
Oui de temps en temps, nous avons travaillé par exemple avec Claude Lelouch pour le film « Ces amours-là »

ARCHIPOP
Travaillez vous aussi sur des photographies ? Y a t’il une demande ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Nous avons colorisé l’ensemble du livre « Notre histoire en couleur » de Xavier Mauduit et nous préparons un autre nouveau livre sur la paysannerie « Les couleurs de nos campagnes » de Jean-Marc Moriceau qui sortira à l’automne aux éditions Les Arènes.

ARCHIPOP
Est-ce que c’est possible d’avoir le coût moyen de la colorisation d’une minute d’archive ?

FRANCOIS MONTPELLIER
Oui, ce n’est pas indiscret.
C’est de l’ordre de 1 500 euros la minute.

ARCHIPOP
Peut on savoir sur quel projet vous travaillez actuellement et s’il y des diffusions prochainement programmées ?

FRANCOIS MONTPELLIER
Nous aurons vers le mois de novembre sur France 2 deux nouveaux épisodes d’Apocalypse « Hitler attaque à l’ouest » d’Isabelle Clark et Daniel Costelle, ainsi qu’un Portrait de De Gaulle réalisé par Jean-Pierre Cottet « De Gaulle : Histoire d’un géant »

ARCHIPOP
Une toute dernière question sur la formation. Y a t’il des écoles pour se former ?

FRANCOIS MONTPELLIER 
Pas à ma connaissance mais une bonne formation en audiovisuel est un bonne base.

 

Entretien réalisé en juillet 2020