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Publié le 24 septembre 2020

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Entretien croisé avec Juliette JUNG et Marie Cécile BOUGUET, documentalistes chez CC&C

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Comment êtes-vous arrivées chez CC&C et qu’est-ce qui vous a motivé pour exercer cette profession ?

JULIETTE JUNG 
Mon parcours a commencé par une fac de cinéma. Je cherchais à travailler dans l’audiovisuel de manière plus concrète alors pendant le cursus j’ai eu la possibilité de faire plusieurs stages dans des sociétés de production de court-métrage et de documentaire. J’aimais déjà beaucoup les images d’archives sans connaître encore le métier de documentaliste, que j’ai découvert en me renseignant sur les formations à l’INA, où j’ai suivi la formation Documentaliste Multimédias. Grâce à l’alternance, j’ai eu la chance de travailler un an dans le service iconographie d’un musée, ce qui m’a initié tout de suite à la recherche. J’ai ensuite été recrutée chez CC&C en tant qu’intermittente du spectacle après mon diplôme. Au bout de deux ans je me suis vu proposer un CDI.

MARIE CÉCILE BOUGUET
Je suis arrivée un peu par hasard dans une société de production. J’ai fait des études d’Histoire très classiques, une licence spécialisée en histoire médiévale… Tout cela est assez loin de l’audiovisuel. Ensuite, j’ai fait un Master en Histoire et audiovisuel et je me suis un peu rapprochée du sujet. C’est au cours de ce cursus que j’ai effectué un stage chez CC&C qui m’a proposé de rester. Je suis en CDI chez CC&C depuis quelques années mais j’ai commencé en tant qu’intermittente du spectacle également.

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Et de ce fait vous avez été amenées à travailler pour d’autres entreprises ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Une seule fois, pour une société de production qui préparait un documentaire sur Alan Turing pour Arte. Mais CC&C avait tellement de projets en cours qu’il était très difficile de travailler pour d’autres entreprises.

JULIETTE JUNG 
Pour ma part, j’ai travaillé avec une autre société juste après l’obtention de mon diplôme sur un documentaire sur les relations entre De Gaulle et Pompidou pour France 3. Ensuite j’ai travaillé essentiellement pour CC&C.

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Quand a commencé la série APOCALYPSE ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
La diffusion de la première série, Apocalypse La Seconde Guerre mondiale, a eu lieu en 2009. Puis il y a eu Hitler, La Première Guerre mondiale, Verdun, Staline, La Paix impossible et La Guerre des mondes, le dernier sur la guerre froide. Il y a toujours un APOCALYPSE qui est en cours de production chez CC&C et ce sera encore le cas au moins jusqu’en… 2022.

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Quel est votre rôle dans la chaîne de production d’un film documentaire ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Nous intervenons du début à la fin de la chaîne de production, c’est ce qui rend le métier de documentaliste intéressant. Le fait d’être permanente dans une société de production nous permet de suivre chaque projet de bout en bout.
Dès le début nous rencontrons le réalisateur ou la réalisatrice, nous lisons ensemble le scénario, on en parle.
Ensuite, soit on nous communique une liste de recherches, soit nous l’établissons. A partir de cette liste de recherche, on se répartit les sources d’archives et les pays concernés. Au fil des années on a l’habitude de travailler avec certaines sources et certains interlocuteurs, par exemple Juliette travaille beaucoup avec les États Unis et les Archives Nationales Américaines, moi j’ai l’habitude de travailler avec la Russie. La confiance s’est tissée au fil des années, l’habitude aussi. Une fois cette répartition faite, on recherche dans les sources. 90% des archives sont en ligne maintenant, on peut faire des recherches plus facilement.
Une fois que nous avons fait nos recherches on passe commande des fichiers (fichiers en basse définition). S’ouvre ensuite un gros travail d’indexation, dans notre base de données spécifiquement créée pour nous qui s’appelle « Media Registry ». C’est une base d’indexation qui s’adapte aux besoins spécifiques de la salle de montage. Chaque archive est identifiée par un numéro unique, les informations indispensables aux monteurs pour décrypter les images (titre, date, lieu, personnages etc.…) entrent en machine automatiquement. C’est un confort, un vrai repère pour nous.
Pendant le montage, nous avons systématiquement une ou des phases de recherches complémentaires. Les réalisateurs et les monteurs se rendent compte des manques, ont des envies, de nouvelles idées. Cela nous tient en haleine plusieurs semaines, voir plusieurs mois, sur un projet comme APOCALYPSE.

JULIETTE JUNG 
Une fois le projet terminé, nous commandons les archives en Haute Définition selon les exigences techniques des projets. En parallèle, nous négocions les droits et les tarifs des images.
Lorsque les fichiers HD sont reçus, on rentre dans la phase de préparation de la conformation.
Chaque plan, un à un, est vérifié (a-t-on les bonnes images ? à la bonne cadence ? au bon format ? etc… ). C’est extrêmement chronophage. En bout de course, nous avons une phase de déclaration des images, où tout est mis à plat : est-ce qu’on a bien payé toutes nos sources ? Est-ce qu’on a bien la chaîne des droits pour toutes nos archives ? On prépare le générique, on peut proposer également des idées pour l’affiche…

MARIE CÉCILE BOUGUET
Une fois que l’on s’est réparti les zones géographiques et les sources, nous suivons le guide de recherches point par point pour ne pas se perdre ; c’est vraiment notre Bible.
Ensuite, on travaille avec des documents partagés, on se fait des notes et on se parle beaucoup. Il y a un vrai dialogue, on se pense comme un trio avec Juliette et Élise Lellouche, une documentaliste qui travaille avec nous en renfort très souvent.
On parle beaucoup de ce que l’on a vu, de ce que l’on n’a pas trouvé aussi.

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Votre rôle est vraiment étendu

MARIE CÉCILE BOUGUET
Oui, nous intervenons sur beaucoup d’étapes du film.

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Cela veut dire que vous avez reçu une formation au niveau du montage ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Pour ma part, pas du tout. J’ai appris les bases techniques sur le tas. Chez CC&C, nous avons tout de même un technical manager qui nous accompagne quand nous avons des questions très pointues.

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Quelles sont vos sources pour vos recherches ?

JULIETTE JUNG 
Nos sources sont très diverses. En France, nous travaillons avec l’ECPAD qui sont les archives de la Défense basées au Fort d’Ivry, en région parisienne. Nous travaillons aussi beaucoup avec Gaumont Pathé Archives et l’INA pour les Actualités Françaises, et avec beaucoup d’autres sources de films amateurs : Ciclic, Normandie Images, la Cinémathèque de Bretagne, Cinéam… À l’étranger, notre source principale est le NARA (National Archives and Records Administration), les archives nationales américaines basées à Washington.

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C’est un organisme public ou privé ?

JULIETTE JUNG 
C’est un organisme public qui dépend du gouvernement fédéral des Etats-Unis. Ce qui rend cette source financièrement intéressante c’est qu’il y n’a qu’un coût lié à la recherche pour payer la documentaliste sur place, auquel il faut ajouter un coût pour les frais techniques, les recopies de bobines et le transfert en fichier, mais à part ça les images sont dans le domaine public.

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Donc dans ce cas de figure il n’y a aucun versement de droits ?

JULIETTE JUNG 
Exactement.
Après, en Angleterre on travaille beaucoup avec British Pathé et AP archives pour les images des actualités cinématographiques. On travaille aussi avec beaucoup de sources amateurs là-bas, comme East Anglian Film Archive ou Huntley. En Allemagne, on travaille avec le Bundesarchiv pour leurs archives militaires et les actualités allemandes, et également avec Karl Hoffkes et la Camera Stylo pour les images amateurs. Pour la Russie, on travaille avec les archives de Krasnogorsk et de Gosfilmofond. Ce sont à la fois les archives des actualités cinématographiques et les archives du parti communiste Russe. Par ce biais-là d’ailleurs, on récupère beaucoup d’images de partis communistes d’autres pays.

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Est-ce qu’il y a des critères techniques requis pour la qualité des images ?

JULIETTE JUNG 
Oui, tout à fait, et lorsqu’il s’agit d’APOCALYPSE, les spécifications techniques sont très exigeantes en termes de définition, de cadence etc. Comme il y a un long travail de post-production avec la restauration et la colorisation des archives noir et blanc, on a besoin d’obtenir des archives de la meilleure qualité possible. On se renseigne sur ce point dès la recherche en demandant aux sources s’il est possible d’obtenir des images en full HD voire 2K en effectuant très souvent une nouvelle numérisation (scan ou télécinéma).
Pour les projets hors Apocalypse les exigences techniques sont moins élevées et plus souples car la plupart du temps ce ne sont pas des films colorisés et restaurés.

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Il est certain que vous demandez un niveau de qualité très élevé.

JULIETTE JUNG 
C’est vrai que c’est très exigeant pour les sources. C’est le processus de post production qui veut ça. Il nous est arrivé de ne pas travailler avec certaines sources quand elles ne pouvaient pas garantir une telle qualité.

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C’est assez original qu’en tant que documentaliste vous soyez associées de cette manière à la partie technique

JULIETTE JUNG
Oui, comme nous gérons les recherches, nous sommes les seules interlocutrices des sources.
Elles peuvent être très nombreuses sur un film et cela serait compliqué pour quelqu’un de prendre le relais juste pour la partie technique. Ainsi on suit le dossier de A à Z, de la recherche à la livraison des éléments en HD, c’est plus simple.

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Avez-vous une spécialité en recherche documentaire ? Y-a-t-il une thématique récurrente ?

JULIETTE JUNG 
Au départ pas particulièrement. Mais parce que nous avons des sujets de recherche très récurrents, on peut dire que l’on est davantage spécialisées sur la Seconde Guerre mondiale. Cette année, nous avons travaillé sur un APOCALYPSE sur 1940, un documentaire sur Hermann Goering, un autre sur Paris sous l’Occupation… Après on a aussi fait un documentaire sur le peintre Henri Matisse pour Arte. Et là, on n’a pas du tout évoqué la guerre (rire).

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Oui, c’est étonnant !

JULIETTE JUNG
(Rire) Oui c’était très agréable de travailler sur ce film centré sur l’iconographie. On a effectué une importante recherche de tableaux en lien avec des musées français et internationaux, en partenariat avec les héritiers Matisse. C’était vraiment très intéressant.

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Et plus léger aussi en termes de sujet !

JULIETTE JUNG 
Oui, plus léger, c’est vrai. Contrairement aux documentaires sur la guerre, beaucoup plus factuels, on cherchait de quoi illustrer des idées, des sensations…. C’était centré sur la dimension du voyage qui a inspiré l’œuvre de Matisse. Il fallait chercher de beaux paysages en archives pour revenir sur les lieux précis de ses voyages. J’ai vraiment beaucoup aimé !

MARIE CÉCILE BOUGUET
La Seconde Guerre Mondiale est une thématique demandée par les chaînes car cela attire et plaît au public. C’est également ce qui se vend le mieux à l’étranger. Il y a des thèmes au sein de la Seconde Guerre mondiale qui marchent bien, l’armement, les techniques et stratégies de combats par exemple.

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Il y a d’autres sociétés de productions à l’étranger qui font la même démarche ? Où c’est spécifique à la France ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Non, ce n’est pas du tout spécifique à la France, en Angleterre, ils produisent énormément de documentaires sur la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis aussi.

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Du coup, vous pouvez être sollicités pour des productions de documentaires à l’étranger ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Il arrive que CC&C soit sollicité pour l’exploitation de ses images restaurées et colorisées par exemple. Nous ne sommes pas la source de l’image et les droits ne nous appartiennent pas mais nous mettons en avant – et vendons – l’immense travail de post-production sur les archives.

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Et lorsque vous vous déplacez dans les centres d’archives, c’est principalement en France ?

JULIETTE JUNG 
Pour nous c’est principalement en France, d’ailleurs plutôt en région parisienne pour une question de temps.

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Les recherches ne concernent que la partie film ou une recherche sur d’autres types de documents comme photographies, correspondances ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Nos recherches concernent tout type de document, toute l’iconographie, les photographies, les lettres, la presse… Il y a également une recherche sur les sonores, les discours en particulier. Par contre, nous ne gérons pas les droits musicaux.

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Sur combien de projets de productions travaillez-vous sur une année ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Entre deux et quatre environ. Il est très rare que nous soyons sur un seul projet.

JULIETTE JUNG 
On a toujours un épisode de la série « APOCALYPSE » en toile de fond ; toujours au moins deux épisodes par an.

ARCHIPOP 
Ça demande une certaine habileté pour jongler d’un projet à un autre

MARIE CÉCILE BOUGUET
Il ne faut pas mettre une photo de Matisse dans une séquence sur Hitler et vice et versa (rires).

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Vous faites vos montages sur quel logiciel ? Sur AVID ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Oui sur AVID la plupart du temps. Mais la préparation et la vérification des fichiers se fait sur nos macs bureautiques.

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Vous parliez d’images que vous choisissiez pour le visuel par exemple. Quand il y a édition dvd ou pour la presse, ce sont des extractions d’images sur le film ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Pas toujours, très rarement en fait. Cela s’est fait pour Apocalypse La Première Guerre mondiale où l’on voit un soldat britannique porter un compagnon blessé. C’est un extrait du film « La Bataille de la Somme », mais sinon, non, il y a toute sorte de cas.
Pour Apocalypse La Seconde Guerre mondiale, c’est un montage de plusieurs photos. Pour Verdun, c’est un visuel qui vient d’une carte postale ancienne. Pour le dernier, La Guerre des mondes, c’est une photographie qui vient de chez Associated Press.

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Vos recherches se font au niveau international ? Pas simplement en France ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Cela dépend du projet, du sujet et du budget mais globalement on recherche dans le monde entier. Il y des cas spécifiques, comme les archives nationales américaines où nous faisons appel à une documentaliste sur place car les archives sont peu numérisées. Pour l’Allemagne également, les archives du Bundesarchiv ne sont pas en ligne donc on intervient avec une documentaliste allemande. En Russie également car les archives sont plus difficiles d’accès. Le documentaliste sur place fait le lien entre les sources, les laboratoires et nous. C’est un gain de temps immense.

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Ce sont des documentalistes qui sont en free-lance ?

JULIETTE JUNG 
Free-lance ou rattachés à des sociétés de production. Nous assurons la coordination de la recherche en leur fournissant une liste, en échangeant avec eux puis en visionnant leurs images avant l’envoi au montage. Tout le matériel passe toujours par nous.

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Ça demande à être bilingue alors ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Pas forcément bilingue mais il faut être assez à l’aise en anglais.

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Parmi les documentalistes, vous constituez un réseau, c’est à dire vous vous connaissez ou c’est quelque chose d’assez cloisonné ?

JULIETTE JUNG
On se connaît de nom comme on regarde beaucoup de documentaires et qu’on regarde toujours qui a fait la recherche au générique. Sinon on se rencontre de temps en temps à certains événements (soirées, projections). Il existe aussi un réseau de professionnels des images d’archives qui s’appelle PIAF où énormément de documentalistes sont adhérentes. C’est très important le réseau dans notre métier.
Il existe également la plateforme Archive Valley qui permet de faciliter un accès aux images d’archives aux réalisateurs, producteurs etc, et qui permet d’être mis en relation avec des documentalistes et recherchistes dans le monde entier. Mais on ne les a pas sollicités pour le moment. Nous avons déjà des documentalistes dans plusieurs pays que nous sollicitons de projet en projet.

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Y-a-t-il un travail préalable de documentation sur la période sur laquelle vous travaillez. Faites-vous des recherches en bibliothèque par exemple ?

JULIETTE JUNG 
Oui, il y a long un travail de documentation pour se plonger dans un projet. On passe par des ouvrages de référence sur le sujet et aussi par des recherches plus générales sur internet, le visionnage de documentaires…
Se baser sur les ouvrages d’historiens de référence, c’est indispensable. Même si on a déjà beaucoup travaillé sur une période et que l’on a des bases, des réflexes, il faut se ré-imerger dans le thème. Il faut approfondir nos connaissances en fonction de l’angle choisi sur le film.

MARIE CÉCILE BOUGUET
On fait aussi beaucoup de veille sur internet pour voir si de nouvelles archives, de nouvelles sources émergent. Le travail de documentation dépend aussi beaucoup du planning. Sur un temps de recherche très court il faut se lancer quasiment tout de suite.
On regarde aussi beaucoup de documentaires français et étrangers.

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Vous avez une bibliothèque au sein de la société ?

JULIETTE JUNG 
Oui, on a une grande bibliothèque constituée depuis des années et enrichie de projets en projets par l’ensemble des équipes. Il y a tout un travail qui est fait à partir d’ouvrages pour repérer des témoignages qui semblent importants, des ‘personnages’ que l’on pourra suivre dans le film. Sur APOCALYPSE la recherche est très importante à ce niveau-là.

ARCHIPOP 
Vous disposez de combien de temps pour les recherches sur un documentaire ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Cela dépend du budget du documentaire. Pour un petit budget on peut avoir deux semaines de recherches, pour un budget moyen entre un et deux mois. Sur un APOCALYPSE c’est plusieurs mois… Je ne vous dirai pas une année de recherche mais presque, surtout si on prend en compte le temps de recherches complémentaires.

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Et qui décide des archives qui seront utilisées in fine.

JULIETTE JUNG 
C’est le réalisateur. Lorsque l’on envoie un lot d’images, on fait des suggestions, on appuie certains choix, on met en avant les images qui nous ont marqué, mais c’est vraiment le réalisateur qui a le dernier mot.

ARCHIPOP
Y-a-t-il un budget fixé à l’avance ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Bien sûr, le budget est fixé à l’avance, par la production, et nous devons nous y tenir.

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De quels ordres sont les budgets à peu près ?

JULIETTE JUNG 
Sans vous dévoiler trop, pour nous, un film à petit budget se situe entre 5 et 10 000 euros, pour les archives. Et ça commence à être un gros budget quand on arrive à 40 000 euros environ.
Au cours du montage, on nous sollicite pour qu’on fasse une première estimation des coûts pour qu’on sache si tout se tient. C’est indispensable parce que ce serait vraiment dramatique de se retrouver en fin de montage et d’avoir dépassé le budget. Ça forcerait le réalisateur à modifier totalement son montage, c’est l’enfer !

ARCHIPOP
Ça ne doit pas être simple de répartir en fonction des sources ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
APOCALYPSE reste à part. Le budget nous permet beaucoup de territoires, de sources. Sur les autres films, nous devons faire des choix en amont.
Sur un budget moyen, on se refuse quelques sources trop onéreuses. Un film ‘à petit budget’ comportera un nombre de sources payantes très limité et sera principalement monté avec des images du domaine public.

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Vos critères techniques représentent aussi des budgets conséquents

MARIE CÉCILE BOUGUET
Oui, sur APOCALYPSE, très conséquents.

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C’est une pratique spécifique à votre société de production ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Non, cela arrive dans d’autres société de production. Quand je sors des bobines de l’ECPAD pour un nouveau scan en Haute Définition, elles sont parfois déjà sorties au laboratoire pour un autre film… Ce qui fait peut-être notre spécificité c’est que nous avons une exigence sur chaque plan. Sur chaque plan il nous faut la bobine d’origine.
Parfois celle-ci est détériorée ou perdue, parfois elle appartient à un particulier qui la garde dans son grenier… Il m’est déjà arrivé d’accompagner au laboratoire une dame qui venait spécialement de Lyon, en train, avec sa bobine car elle ne voulait pas l’envoyer par la poste. Le Graal, c’est la bobine.

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Oui on rencontre ça aussi avec le cinéma amateur. Quels sont vos plus grandes satisfactions et vos regrets dans l’exercice de votre travail ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Le regret c’est d’avoir énormément cherché, partout, des images pointues et qu’elles soient peu utilisées dans le film.
Quand on est documentaliste, on adore chercher, on adore aller jusqu’au bout et trouver la bonne image, c’est extrêmement satisfaisant.

JULIETTE JUNG
Ce qui est particulièrement difficile c’est quand on est en relation avec des particuliers pour récupérer des films ou des photos de famille, qu’on échange sur plusieurs mois avec eux sur leur histoire et qu’à la fin leurs images ne sont finalement pas montées. Mais c’est le jeu ! Et à l’inverse quand ces images ont une belle place dans le film c’est génial.

ARCHIPOP 
Je veux bien le croire. Nous avons un peu les mêmes satisfactions quand on piste pendant plusieurs mois des films. La différence, c’est que l’on ne sait pas ce qu’il y a sur le film au départ.

MARIE CÉCILE BOUGUET
Oui, vous êtes plus dans un travail d’enquête en amont que nous n’avons pas le temps de faire et que l’on attend de la source. C’est très intéressant et utile pour notre compréhension des images.

ARCHIPOP
Quelle est la place du cinéma amateur dans les archives que vous utilisez ?

MARIE CÉCILE BOUGUET
Elle est énorme. Le cinéma amateur permet d’emprunter des chemins de traverse, de montrer parfois l’envers du décor en dehors des actualités qui sont filmées souvent avec les mêmes types de plans. Cela permet de sortir des images ‘officielles’. Elles autorisent aussi des respirations dans le récit surtout dans un documentaire comme APOCALYPSE où les images sont très guerrières. Avec les images amateurs, on revient aux familles, au point de vue plus intime. En tant que documentaliste, c’est toujours des images extrêmement émouvantes, les images amateurs sont primordiales et c’est celles que l’on préfère !

 

Propos recueillis par Archipop

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