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METTRE DES SOURIRES SUR LES VOIX DU PODCAST

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Auteur(e) : Rosine LEFEBVRE

Publié le 29 novembre 2024

LA CHICORÉE LEROUX OU LE JEU DES 7 FAMILLES

« Mettre des sourires sur les voix des podcasts »

Mercredi 13 novembre, une journée à Orchies.

 

Ils arrivent un à un à la Table de Mathilde.

Les minutes d’avance ou de retard étant inversement proportionnelles aux kilomètres parcourus, Jacques est le premier, accompagné de son épouse. Les terres flamandes de la culture de la chicorée sont à une bonne centaine de kilomètres d’Orchies et il faut encore prévoir de patienter dans les embouteillages lillois.

Martine, fidèle à son passé d’assistante de direction, est ponctuelle, et marche d’un pas vif dans un rayon de soleil. Quelques instants après, voilà Bernard : sa ferme de Coutiches est un peu plus proche d’Orchies que la maison de Martine à Somain !

Jean et Louis, les deux orchésiens, familiers des lieux, sont à deux pas, donc … les bons derniers, mais contents de nous retrouver.

Il ne manque pas quelqu’un à l’appel, parmi ceux qui étaient disponibles pour cette journée ? Mais non ! Yannick est bien là, il déambule dehors, téléphone en main : on est en pleine campagne de récolte et il gère la logistique du cheminement des racines de chicorée entre le « bout des champs » où elles s’entassent , les grues qui les enlèvent et les camions qui livrent la sécherie de Vieille-Eglise. Pas de répit possible, il devra garder son téléphone ouvert pendant le repas !

 

Une petite photo autour de la table ronde avant de prendre place.

Les jeunes filles du Lycée Hôtelier ont un peu de mal à prendre la commande : nos « bavards des podcasts » ressemblent à un groupe d’écoliers à la rentrée des classes, qui se racontent leurs vacances ou se présentent les uns aux autres.

Pendant le repas, la parole, les souvenirs et les sourires circulent entre voisins de table ou de part et d’autre du cercle. On évoque Le Jeu des 7 familles de la Chicorée , cette réalisation à laquelle chacun est heureux d’avoir contribué,  on évoque Céline, Paul, Didier ou Romain, ces autres voix des podcasts qu’on aurait aimé voir sourire avec nous autour de la table. On déguste avec plaisir les mets goûteux et subtils préparés en cuisine, on ne regrettera qu’une chose : pas de chicorée à la fin du repas ! … pourtant l’imposant cube blanc de l’usine Leroux avec son enseigne rouge est bien visible depuis le parking !

 

Ghislain Lesaffre, le nouveau propriétaire et directeur de La Chicorée Leroux, nous a invités à venir le rencontrer à l’issue du repas, avant une visite de l’usine.

Nul sentiment de déjà-vu, ni de pensée désabusée type « La Chicorée Leroux, on connaît ! », non, une envie, une excitation même, de retrouver les lieux ou même, pour Jacques, d’y mettre le pied pour la première fois.

Chacun, en entrant, est chargé d’émotions personnelles.

Martine, qui n’en revient toujours pas d’avoir passé 43 ans dans cette « maison », cherche à savoir si telle ou telle est toujours employée dans les bureaux. Elle remarque le changement de configuration des espaces,  les nouvelles peintures, ou d’anciennes taches d’encre encore visibles sur l’un des planchers d’origine. Louis s’empresse d’aller jeter un œil à son ancien bureau. Plus tard, toujours amical et gourmand, il embrasse affectueusement l’une des salariées qu’il a reconnue, malgré le temps écoulé, grâce au bleu intense de son regard.  Jean attend avec impatience la visite des ateliers, car pour lui, Leroux,  c’est surtout la fabrication de la soluble et les tours d’atomisation sont un peu comme ses filles, qu’il a guidées pour leurs premiers pas. Quant à Jacques et Bernard, ils sont en observation, jusqu’à ce que les hangars de cossettes fassent pétiller leurs yeux avertis.

Les mots de bienvenue de Ghislain Lesaffre sont simples et chaleureux. Chaque samedi il est attentif, nous dit-il,  à la publication du nouvel épisode de la saga. Inutile, évidemment, de « promouvoir » le produit en cette circonstance ! Son propos est d’évoquer avec ces  connaisseurs de la chicorée les grandes lignes de son projet depuis le rachat de l’usine en 2022. On sent chacun concerné par l’évolution et l’avenir de l’entreprise, soulagé de constater que les craintes de fermeture, pas si lointaines, se soient éloignées et que les perspectives soient encourageantes.  Ghislain Lesaffre rappelle son objectif : que d’autres après lui fêtent les 200 ans de la création de l’entreprise (1868-2068). Les visages sont souriants car, finalement,  chacun d’eux a œuvré à cette longévité et elle leur tient à cœur, comme s’ils étaient encore à leurs postes.

 

Après un mug de chicorée au parfum de noisette ou de vanille, on revêt blouses blanches, charlottes rouges, casquettes bleues et coques de protection au-dessus des chaussures pour commencer la visite.

Le hangar des cossettes est toujours le même, avec son volume imposant et sa magnifique charpente de bois.

Dans la brûlerie, les bouchons d’oreilles sont de rigueur.  L’odeur tant évoquée est bien présente, l’extrême chaleur supportable en cette saison. Jean remarque tout de suite qu’il y a deux  boules de torréfaction de moins qu’à son époque.  Sinon, ce sont les mêmes, comme les cuves de refroissement et les pupitres de commandes. Matériel breveté, d’une longévité à toute épreuve. La transformation des cossettes suit toujours le même process et n’a pas perdu son caractère artisanal.

A la grande déception de Jean, les tours d’atomisation ne sont pas en fonctionnement ce jour-là. Les hausses récentes de l’énergie ont engendré une révision du fonctionnement en continu de machines énergivores et donc une réflexion pour optimiser davantage les différents cycles de production. Jean aurait aimé nous transmettre son savoir intarrissable sur la fabrication de la chicorée soluble.  Il rappelle d’ailleurs qu’il lui est arrivé d’être guide pour des visites de l’usine.

On est tous fascinés, comme devant un circuit de train électrique, par la salle du conditionnement où les pots de chicorée soluble suivent leur imperturbable cheminement sur les tapis roulants qui serpentent, remplissage-fermeture-étiquetage.  Regarder ensuite travailler la nouvelle machine pour la mise en carton des bocaux est assez magique.

Cet atelier de conditionnement est, avec les espaces d’accueil et d’administration, ce qui a le plus changé depuis leur départ. Auparavant c’était là que les ouvrières mettaient en paquets les grains de chicorée. Les sachets de grains sont maintenant conditionnés ailleurs dans le Nord, mais à terme, cela pourrait être rapatrié dans l’usine-mère.

 

Maintenant Il est temps pour chacun de reprendre la route du retour.

C’était la seule vraie journée de soleil de cette semaine, comme si ces retrouvailles avait un peu chassé la grisaille de novembre.  Mais jusqu’à la mi-décembre environ, il y aura encore des tonnes de racines à récolter, transporter, transformer, jusqu’aux prochaines semailles de printemps.  Le cycle de la vie continue !

 

Texte de Rosine Lefebvre