Publié le 26 octobre 2021
Photographe, cinéaste et surtout passionné par sa ville « Somain », Victor Gobert a participé à garder la mémoire des siens et à écrire l’histoire à travers son objectif.
Comment garder et transmettre la mémoire d’une ville et de ses habitants ? Si la réponse à cette question peut nous paraitre très simple aujourd’hui, au vu des moyens technologiques que nous possédons, cela n’a pas toujours été le cas. Tandis que l’après-guerre 1914-1918 a vu le développement de la photographie s’intensifier et cela afin de documenter l’actualité politique et internationale, d’autres se sont approprié les nouvelles technologies pour écrire les histoires du quotidien, celle des gens de tous les jours, des villes de France tout simplement. Victor Gobert, dont Archipop a la chance de posséder 108 films, dont 31 sont en ligne dans l’espace professionnel et 8 en accès libre, fait partie des passionnés qui ont eu très à cœur et très tôt l’envie d’écrire l’histoire de leur ville et de sauvegarder une mémoire collective.
L’image comme leitmotiv
Cette ville est celle de Somain, commune française située dans le département du Nord et qui compte aujourd’hui 12 570 habitants pour une superficie de 12,32km². Natif de Somain, Victor Gobert se découvre ainsi une passion pour la photographie et le cinéma très tôt et décide de lier toutes ses activités à celle-ci. « Il a d’abord été préparateur en pharmacie, ensuite il a travaillé comme reporter pour différents journaux dont La Voix du Nord, mais il a voulu ouvrir sa boutique pour continuer à explorer sa passion pour l’image », nous explique sa fille, Chantal Gobert. Fan des films de Charlot ou encore de Laurel et Hardy, Victor Gobert ouvre sa boutique « Au chasseur d’images » en 1952, qui deviendra pendant plusieurs décennies une véritable institution de la ville. « Au départ, il avait un tout petit magasin car il n’avait pas beaucoup de moyens. Puis, il a vite repris les deux boutiques sur sa droite et sa gauche pour en faire le grand magasin dans lequel nous avons grandi et dans lequel il travaillait », raconte Chantal Gobert, l’aînée des 8 enfants.
« Au chasseur d’images », devient alors un lieu emblématique de la ville et pour les habitants. « Il était très connu à Somain car il n’y avait pas beaucoup de photographes à l’époque, du coup beaucoup de familles d’immigrés venaient chez lui pour faire les portraits » raconte-t-elle. Dans le magasin, Chantal se remémore les portes battantes que son père avait installées. « Il avait mis un petit saloon avec des portes battantes, il y avait un écran et les clients pouvaient venir regarder les films, ou encore essayer des caméras et des caméscopes ». Véritable autodidacte, Victor Gobert se rendait souvent aux salons amateurs ou professionnels à Paris ou encore à Cologne, relate son fils Patrice, « Il allait souvent dans les salons de la photographie à la recherche de nouvelles trouvailles. Il ramenait des caméras, des appareils photos et il les essayait sur nous avant de les exposer en boutique. Quand il vendait un produit, il savait de quoi il parlait » affirme-il.
Le souci d’écrire l’histoire
Soucieux des questions en rapport avec l’histoire et la transmission de la mémoire de la ville de Somain, Victor Gobert n’a jamais cessé de multiplier ses activités pour documenter le quotidien de ses habitants. « Son attrait très particulier pour l’histoire est lié à la guerre de 1914-1918 qu’il l’a beaucoup marqué » rappelle Patrice Gobert. L’image était alors pour lui un vecteur de lien social, un moyen pour les habitants de se rencontrer. C’est comme cela qu’il avait créé un club de cinéma à Somain qui s’est dissous mais a continué dans la ville de Valencienne. Investit dès son plus jeune âge dans la vie de sa commune à travers les JOC (Jeunesse ouvrière Catholique », il assistait régulièrement aux festivités de la ville qu’il aimait filmer. « Il allait beaucoup aux festivals, aux fêtes, en se déguisant. Il aimait filmer les moments de joie et cela justement parce qu’il a été très marqué par la guerre », dit Patrice Gobert.
C’est comme cela que nous vous invitons à découvrir La Fête Napolitaine au Parc Anne Frank, film capté par l’objectif 16 mm de Victor Gobert en 1958. On y voit alors les Somainois en ce jour de fête, vêtus de tailleurs pour les femmes et de costumes cravates et arborant les cheveux plaqués sur le côté à l’italienne pour les hommes. Les images sont rythmées par les manèges, les sourires des enfants et les regards curieux des habitants, conscients qu’ils sont filmés. Les films de Victor Gobert portent ainsi un parfum d’une autre époque révolue mais toujours présente dans nos mémoires grâce à son talent de cinéaste.
Le photographe portera son amour et son attachement à sa ville au plus haut degré en devenant conseiller municipal dans les années 1960, nous rapporte son fils Patrice Gobert. « Ce n’était pas évident de gérer sa vie de père de 8 enfants, de commerçant et de consacrer toute cette énergie à sa ville », rappelle celui-ci. Denrée précieuse, son travail est publié par ses soins dans de nombreux ouvrages qu’il consacre encore une fois à sa ville. En 2014, il organise également une exposition à la mairie de Somain, « notamment sur les débuts de la photographie » nous rapporte Chantal Gobert.
Depuis son décès, le 17 octobre 2017, Victor Gobert a laissé un héritage pharaonique. « Le magasin a été racheté par la ville l’année dernière et je peux vous dire que déménager une maison de commerce où votre père gardait tout ce n’est pas évident », sourit Chantal Gobert. Vieilles publicités, journaux, caméras tout modèle confondu, la fratrie s’est donnée pour objectif de veiller à la préservation du trésor que leur père a légué. « C’est assez fou tout ce qu’il a pu cumuler en plus de 70 ans de carrière, pour ma part je m’occupe de classer les diapositives photos. Nous avons également répertorié son matériel photographique qui a pour nous une très grande valeur sentimentale ».
Une partie de cet héritage est mise à disposition de la ville par les Gobert tant elle est précieuse pour se rappeler et garder le souvenir de son histoire.
Propos recueillis par Fatma Torkhani le 25 octobre 2021
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