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Les Clubs de cinéastes amateurs

milana T
Auteur(e) : Milana Tsakaiev

Publié le 31 mars 2022

Le projet Archipop

La valorisation des films de cinéastes amateurs permet de montrer aux habitants des films qui n’avaient pas pour objectif initial d’être diffusés à un large public. La question des clubs de cinéastes amateurs, un nouveau projet d’Archipop, permet de soulever de nouvelles problématiques. Gilles Ollivier, historien travaillant sur l’importance des images, des représentations et du cinéma amateur, constate une évolution dans le cinéma amateur à la sortie de la Seconde Guerre mondiale :
« Le portrait-robot du cinéaste amateur français se présente de la manière suivante : un homme de 35 à 40 ans, plutôt médecin ou commerçant, filmant pour des raisons économiques en 9,5 mm puis, à partir de la fin des années 40, en 8mm. Dans les années cinquante, il appartient à un caméra-club lié aux tissus économique, culturel et associatif locaux ».

En initiant un projet sur les clubs de cinéastes amateurs, nous soulevons une nouvelle facette de l’histoire sociale et culturelle de la région. Cette histoire est primordiale pour comprendre l’évolution du cinéma amateur puisque les Hauts-de-France sont une zone géographique avec une forte concentration des clubs. L’objet de cet article est de présenter ce projet en expliquant le fonctionnement de ces clubs et montrer le cheminement de l’écriture de cette histoire. 

Comme en témoigne Gilles Ollivier, les cinéastes amateurs ont commencé à se rassembler en clubs à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Les raisons économiques ont, en partie, motivé ses rassemblements à cause de la hausse des prix. Mais ce sont surtout les motivations culturelles et sociales qui ont fait perdurer les clubs : le partage des images, des connaissances et des activités. Les clubs sont organisés en association, il y a donc un conseil d’administration (président, trésorier, secrétaire, etc.), des membres et des adhérents. Généralement, les membres de l’administration sont les membres fondateurs du club et eux-mêmes cinéastes. 

L’objectif du projet d’Archipop est d’établir une cartographie et une histoire des clubs en Hauts-de-France en essayant de rentrer en contact avec les membres du conseil d’administration. Cette étape est primordiale pour établir une liste du conseil et des membres afin d’obtenir la composition des divers clubs et une fréquence de production. Écrire l’histoire des clubs c’est aussi s’interroger sur les activités au-delà de la création filmique. Dans ce sens, nous voulons aussi transmettre la vie des clubs, nous interroger sur les réunions, les manifestations et les fêtes. Pour cela, les productions cinématographiques qui montrent les coulisses de ces clubs sont essentielles. Un autre aspect des clubs de cinéastes amateurs est la participation à des concours régionaux, nationaux et internationaux. Les concours régionaux sont organisés par la FFCV, la Fédération française du cinéma et de la vidéo. Les cinéastes membres des clubs de la région se réunissent une fois par an, dans un club de la région, pour soumettre leurs films à la critique d’un jury. Cette activité, fondamentale dans un club, est également à prendre en compte dans le fonctionnement d’une association de cinéastes amateurs. 

Il faut comprendre que les films issus des clubs sont différents des films des cinéastes amateurs qui ne sont pas associés, comme en témoigne Gilles Ollivier :
« Il ne saurait être question de réduire l’histoire du cinéma d’amateur à celle des caméras-clubs. Les films de cinéastes isolés ont parfois aujourd’hui plus d’intérêts historiques et ethnologiques que ceux des membres des clubs, trop souvent obnubilés par la création de fictions, qu’ils n’ont pas les moyens matériels de réaliser dans de bonnes conditions. Mais le propre des cinéastes réunis dans les clubs est d’atteindre la notion d’œuvre et soumettre leurs réalisations à l’appréciation du groupe ».

D’un certain côté, nous perdons un aspect fondamental du cinéma amateur et du travail d’Archipop qui est l’aspect privé des archives. En effet, c’est une autre forme de diffusion qui s’étend au-delà du cercle familial. Les films sont soumis à la critique de plusieurs jurés. Pour Bernard Dublique, membre de plusieurs clubs lillois : « un film de club c’est un film de compétition ». Les films présentés dans le cadre de ces concours sont travaillés, soumis aux regards des autres membres du club. Il y a donc une véritable recherche artistique dans ces derniers pour être diffusés et montrés à des publics. Ainsi, c’est une problématique aujourd’hui abordée à Archipop pour définir le statut de ces films amateurs, notamment autour de leur valorisation.

Comment fait-on pour écrire cette histoire ? La constitution d’un documentaire sur les clubs de cinéastes amateurs est encore à son début. Le fil de départ a été pris autour des catalogues du concours régional annuel organisé par la FFCV entre 1962 et 1991. A partir de cet inventaire, nous avons pu établir un réseau d’une cinquantaine de clubs de cinéastes amateurs, plus de deux mille cinq cents films réalisés par quatre cent vingt cinéastes. Parmi tous ces films, 20% figurent déjà dans notre base de données Archipop. Ces chiffres ne sont le témoignage que d’un premier inventaire et d’une première tentative d’écriture de cette histoire. 

Pour écrire cette histoire, il s’agit de s’appuyer sur différentes méthodes historiques. Dans un premier temps, il est important de rentrer en contact avec les anciens membres de ces clubs. Le témoignage oral permet d’avoir un aperçu général du fonctionnement de ces clubs. Aller à la rencontre des acteurs de cette histoire nous permet à la fois de collecter des informations clés sur le fonctionnement des clubs, mais aussi sur la vie du membre qui, grâce à ses connaissances, nous permet d’élargir notre cercle de recherche. Ces témoignages sont filmés ou enregistrés dans le but de créer un fonds documentaire. 

Ensuite, il s’agit également de s’appuyer sur tous les documents papier issus des clubs. Ces documents nous permettent de nous rendre compte des conversations tenues lors des réunions, les budgets utilisés, la fréquence des rencontres. Tous ces documents sont mis à contribution pour retrouver les membres, mais surtout les films, l’objet principal utilisé dans l’écriture de cette histoire. 

Les films des clubs de cinéastes amateurs ont la particularité, comparée à un simple film familial, d’avoir circulé. La documentation autour de ces films demande également un travail supplémentaire sur l’étude du contexte de production : dans quel cadre a-t-il été produit, a-t-il été diffusé dans des concours, est-il primé, etc. La recherche de ces films et l’étude de ceux-ci nous permettront de répondre à la question fondamentale de la place de ces films chez Archipop.

Pour écrire cette histoire, il s’agit dans un premier temps d’aller à la rencontre de ces cinéastes et de retrouver les films issus des clubs. Un point “Clubs de cinéastes amateurs” sera régulièrement publié pour vous montrer l’évolution des recherches.

 

source de l’article Ollivier Gilles. Histoire des images, histoire des sociétés : l’exemple du cinéma d’amateur. In: 1895, revue d’histoire du cinéma, n°17, 1994. pp. 115-132.

Milana Tskaiev