fbpx

André Bonzel

journaliste
Auteur(e) : Inès Edel-Garcia

Publié le 1 septembre 2022

“Ces images sont précieuses car elles sont une part de nous-mêmes”

Depuis l’âge de 12 ans, André Bonzel collectionne de vieilles bobines de films amateurs, pour beaucoup tournés dans le Nord et en Belgique. Le co-réalisateur de “C’est arrivé près de chez vous” (1992) dévoile, cette année, l’étendue de sa collection dans le documentaire “Et j’aime à la fureur”. Le cinéaste a choisi d’y raconter sa vie sur fond d’images personnelles et anonymes. Une oeuvre autobiographique à la fois intime et universelle qui rend hommage à l’histoire du 7ème art.

 

Comment a démarré votre collection de films amateurs ? 

Je le raconte dans le film. On habitait Paris, mais ma famille était originaire du Nord, une partie d’Haubourdin et l’autre de Boulogne-sur-Mer. Tous les ans, en juillet et en août, j’allais en vacances à Ambleteuse avec mes parents qui avaient acheté une villa là-bas. Moi, je détestais l’école, je n’aimais pas trop la vie à Paris donc ces deux mois à Ambleteuse étaient vraiment le paradis pour moi. D’abord parce que je pouvais être libre d’aller où je voulais, on se levait le matin, on allait se balader, j’avais ma bande de copains… Là-bas, je fréquentais Vincent dont le père, Philippe Lebrun, rêvait de faire du cinéma. Il était devenu médecin car ses parents ne voulaient pas qu’il fasse du cinéma mais il collectionnait des films. Il avait des films d’édition en Super 8 de “Film Office” ou de “Cinémathèque pour vous”, un autre éditeur. C’était souvent des films muets mais il y avait des films de Griffith, de Méliès, également des Charlot et des Keaton, puis des films expressionnistes allemands et y compris des longs-métrages. C’est comme ça que j’ai découvert Métropolis et Les trois lumières de Fritz Lang, Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene, Le dernier des hommes de Murnau etc. Ça m’a complètement fasciné. Grâce au cinéma, un monde insoupçonné s’ouvrait devant moi. 

Le Docteur Lebrun avait aussi une caméra et faisait des films qu’il nous montrait ensuite dans le grenier. Il avait divorcé et filmait avec sa nouvelle femme. Je ne me souviens pas qu’il avait des films avec sa première femme. Peut-être était-ce sa nouvelle femme qui l’avait poussé parce qu’il aimait le cinéma ou qui lui avait offert la caméra ? Je ne sais pas. En tout cas, il y avait une forme de malaise parce que ses enfants entretenaient une relation un peu étrange avec cette femme qui elle-même avait des enfants. C’était une famille recomposée qui ne fonctionnait pas très bien. Je me souviens que, sur un film, il avait mis comme musique celle d’Ennio Morricone dans Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone. Celle avec les sifflements. Je me souviens avoir découvert cette musique à ce moment-là sans voir le film.

 

“Je l’idéalisais complètement et j’ai tout de suite voulu être comme lui, 
c’est-à-dire avoir un projecteur et des films”

 

 

À cela, s’ajoutait le fait que j’avais des problèmes avec mon père qui était complètement indifférent à mon existence. Je faisais donc une espèce de transfert. J’étais en admiration devant le père de mon copain qui, lui, était très sympa et qui s’occupait de ses enfants. Je l’idéalisais complètement et j’ai tout de suite voulu être comme lui, c’est-à-dire avoir un projecteur et des films. J’ai donc tanné mes parents pour avoir un projecteur. J’ai d’abord eu un Minicinex qui était un projecteur-jouet avec des films sans fin. C’était un projecteur en plastique qui fonctionnait à piles avec des films Disney. Cela m’a vite frustré et m’a amené à demander un vrai projecteur avec de vrais films. Fatigués, mes parents ont fini par m’acheter un Pathé Baby dans un marché aux puces. Ce projecteur 9.5 mm était déjà une antiquité puisqu’il datait des années 20 alors que moi, j’étais né dans les années 60. Mais à l’époque, c’était très commun car ça avait été largement diffusé, on en trouvait très facilement. J’ai donc eu une caisse de Pathé Baby avec des films, et dans ces films, il y avait des films amateurs. Il y avait des Félix Le Chat mais les dessins animés ne m’intéressaient pas trop. Ce qui m’intéressait en revanche, c’était ces films amateurs où l’on voyait une famille vivre. Je trouvais que la vie des gens était fascinante. Comme j’avais des problèmes familiaux, j’avais toujours ce besoin de voir comment vivaient les autres, de voir des parents qui étaient gentils avec leurs enfants. Tout cela me touchait énormément. C’est à ce moment-là que je me suis dit : “Ces films amateurs sont bien plus intéressants que les films. Avoir une énième copie de Charlot n’a aucun intérêt”.

En plus, ces films sont uniques puisque ce sont des inversibles. Ce sont des positives directes, c’est-à-dire que l’on projette le film tel qu’il est dans la caméra et dont il n’existe qu’un seul exemplaire. En tant qu’objet, c’est presque comme un Polaroid. Il n’y en a qu’un et c’est ce qui est le plus intéressant. C’est ainsi que j’ai commencé ma collection de films amateurs. L’avantage aussi, c’est que, pour les collectionneurs de films, les films amateurs n’avaient aucun intérêt. La plupart des gens préféraient collectionner des copies, des films de long-métrage, ils cherchaient des Fernandel, des films de Pagnol ou des films noirs américains… Par conséquent, les films amateurs n’étaient pas chers, on pouvait faire des échanges. On m’en a même donnés.

 

Un petit garçon qui collectionne des films amateurs, ça devait surprendre.

Oui, c’est vrai. Même tout petit, je suis allé dans des colloques. Par exemple, je me souviens être allé au colloque des premiers ans du cinéma français à la Cinémathèque de Perpignan. Il y avait des spécialistes de l’histoire du cinéma comme André Gaudreault et Jean Mitry, le sculpteur Marcel Homs, des chercheurs etc. Je m’étais inscrit car cela m’intéressait énormément. J’y étais allé tout seul, j’avais pris le train et une chambre d’hôtel. Je devais avoir 15-16 ans. J’étais le plus jeune mais les gens étaient très sympas. Plus tard, je suis allé au colloque Méliès à Cerisy-la-Salle, j’avais 18 ans. Il y avait une fois encore Jean Mitry, mais aussi André et Madeleine Méliès, le fils et la petite fille de Méliès. C’était passionnant ! 

J’achetais également la revue Cinéma pratique chez le marchand de journaux. C’était LA revue des cinéastes amateurs. Très souvent, en couverture, on avait une jolie fille qui tenait une caméra, comme une publicité pour vendre des frigidaires. Il y avait des petites leçons pratiques de montage. C’est dans cette revue que j’ai tout appris. 

 

"Moi je m'inventais la vie des gens. 
Plus tard, je me suis aperçu que c'était un peu le bonheur des autres que je cherchais dans ces films"

 

 

Dans ces films, vous recherchiez une époque particulière, des scènes bien spécifiques ou vous vous laissiez surprendre par ce que contenaient les bobines de films ? 

J’aimais particulièrement les Pathé Baby car certains datent des années 20 et là, c’est un monde complètement différent avec des vieux tacots. C’est passionnant parce que c’était quand même des familles bourgeoises qui filmaient. C’était donc le monde dit “upper-class” qui était le plus souvent représenté. Je me souviens d’une série de films avec une dame qui va à la mer avec des enfants. Ils sont conduits par un chauffeur. Ils ont une très belle voiture rutilante et le type vient ouvrir la porte et les enfants descendent. Tout cela était complètement exotique pour moi. 

Tout à coup, on est transporté dans le vrai monde tel qu’il était au début du XXe siècle. Comme ces films ont été très bien conservés, on peut les projeter sur de très grands écrans et la définition est exceptionnelle. C’est juste magique ! Et puis, on se demande : “Comment vivaient ces gens ? Quel était leur destin ? Quelles ont été leurs vies ? Ont-ils été amoureux ? Sont-ils tombés malades ?” Moi, je m’inventais la vie des gens. Plus tard, j’ai analysé, je me suis aperçu que c’était un peu le bonheur des autres que je cherchais dans ces films. 

 

Que contient exactement votre collection ? 

On y trouve des films de voyage, des films de famille avec les mariages, les vacances… car les gens ont très souvent eu envie de garder la trace des moments familiaux. Dans les films de voyage, j’ai remarqué que les lieux vides n’avaient pas d’intérêt. C’est quand les gens rentrent dans le champ, qu’on voit des têtes, des visages, une manière de se comporter que ça devient intéressant. Ce qui est passionnant aussi, c’est quand on a un lot de films et qu’on voit les gens grandir. On voit les enfants bébés qui deviennent adolescents mais aussi les parents qui vieillissent. C’est assez stupéfiant de voir l’évolution, de voir comment la période change. Il y a aussi des films pornographiques privés. 

 

“C’est vraiment une pochette surprise. Cela fait partie du plaisir quand on tombe 
sur quelque chose de magnifique !”

 

 

Ensuite, il y a des films complètement fous qui sont faits par des gens qui veulent clairement faire du cinéma. Ces personnes ont un goût pour le cinéma et réalisent des petites fictions, des films expérimentaux. J’ai d’ailleurs une petite fiction en 9.5 mm qui se passe dans le vieux Lille des années 20 et qui est absolument géniale. C’est un type qui est à la terrasse d’un café. Il y a un tacot qui arrive, des hommes en descendent et kidnappent le type. Ils le forcent à monter dans la voiture. Après quoi, le type est séquestré dans une grange à la campagne en dehors de la ville mais il arrive à s’échapper en remontant dans le tacot sans que les hommes le voient. Quand les hommes s’en aperçoivent, ils décident de monter dans une autre voiture et à partir de là, on assiste à une course poursuite superbement bien filmée avec des champs/contre-champs, des différences de points de vue. Ensuite, le type arrive à les semer et se retrouve face à lui-même. À la toute fin, on voit toute une troupe qui salue comme au théâtre. C’est bien cadré, bien découpé, c’est inventif ! C’est clairement quelqu’un qui avait un don de mise en scène.  

Mais en réalité, on trouve de tout, et parfois aussi des choses très mal filmées. C’est d’ailleurs très frustrant quand il y a une scène intéressante qui n’est pas bien filmée ou que la caméra balaie -parce que souvent les gens font des panneaux au lieu de faire des plans fixes. Résultat : c’est filé ou c’est hors champs et on se dit “Mon Dieu, quel dommage !”

On achète souvent des films sans savoir ce qu’ils contiennent car soit ce n’est pas étiqueté, soit ce n’est pas la bonne étiquette car les boîtes ont été interchangées. C’est vraiment une pochette surprise. Cela fait partie du plaisir quand on tombe sur quelque chose de magnifique ! 

 

Comment est né le film “Et j’aime à la fureur” ? De quelle manière avez-vous eu l’idée d’utiliser les films amateurs de votre collection ?

Il y a très longtemps, dans les années 90, j’avais reçu une aide du CNC parce que j’avais trouvé trois énormes caisses de Pathé Baby d’un type qui avait filmé son enfant et qui s’appelait Gaston Claude. Comme il y avait plusieurs indications sur ces petites bobines, j’avais réussi à retrouver la trace de la personne en épluchant les annuaires. Mon idée était de le filmer en train de raconter sa vie et de confronter ses souvenirs aux images réelles. Il m’a répondu : “Rien à foutre”. Au fond, c’était peut-être lui qui s’était débarrassé des films sur lesquels j’avais fini par tomber. J’étais soufflé car moi j’aurais rêvé d’avoir des images de moi enfant. Ce projet a donc été abandonné mais l’idée de faire quelque chose avec ces films, de les partager, de les montrer, me trottait toujours dans la tête. 

Parallèlement, j’avais des projets de films qui n’aboutissaient pas faute de financements. J’en avais marre de devoir, à chaque fois, attendre l’argent. Je me suis dit : “J’ai tout ce matériel-là, sous la main, il suffit de le filmer, il n’y a pas de tournage, il n’y a qu’à le numériser. Je peux même projeter et refilmer avec ma caméra pour faire une maquette et je peux faire un film avec. Qu’est-ce que j’attends ?” En 2014, je me suis donc lancé tout en continuant à acheter des films. Cette année-là, j’ai trouvé un film qui a tout déclenché : une énorme bobine en 16 mm qui contenait un film absolument superbe qui allait des années 30 aux années 50 et dont beaucoup de scènes m’ont servi pour “Et j’aime à la fureur”. 

 

À l’origine, vous n’aviez donc pas nécessairement l’intention de parler de vous ?

J’avais mes films personnels en Super 8 à Ambleteuse, avec mes copains, avec Sabine -ma première petite amie- quelques films de famille dont j’avais connaissance, le film de mon grand-père dans les usines aux Etats-Unis, mes films de Lawrence d’Arabie où j’essayais déjà de faire de la fiction ou avec mes copains Philippe et Marc quand on essayait de faire ce film sur ces types qui volent des plaques de chocolat… Mais je ne voulais pas raconter ma vie parce que c’est quelque chose que tout le monde fait, ça n’intéresse personne et je ne suis même pas sûr que ça m’intéresse moi-même. 

 

 

"Tant qu’à raconter la vie des gens, autant raconter la mienne !"

 

 

De fil en aiguille, Anne, ma femme, m’a dit :”Mais si, tu devrais te raconter toi ! En tout cas, certaines parties”. Benoît Poelvoorde, qui me connaissait bien, à qui j’avais demandé de me prêter des sous pour faire ce film et à qui j’avais montré une petite bande-annonce, m’a dit la même chose : “Tu devrais te raconter toi plutôt que de raconter seulement la vie des gens”. Tout cela a fini par me décider. Tant qu’à raconter la vie des gens, autant raconter la mienne !

À la mort d’un des membres de ma famille, j’ai retrouvé des films de famille dont j’ignorais l’existence. Notamment l’image de ma mère dans le laboratoire avec le cochon d’Inde où elle rigole, elle se remet les cheveux car elle est visiblement gênée par la caméra ; elle était très pudique. Je me suis dit : “Ce n’est pas possible, je ne vais pas faire un film sur la vie des gens sans mettre cette scène”. 

Ce qui m’a décidé aussi c’est que je voulais faire un film sur le cinéma, sur le désir de faire des films, et moi, ce désir, je l’avais en moi depuis tout petit donc c’était idiot de faire un film là-dessus sans parler de moi puisque tout est né avec Docteur Lebrun. Si je ne bouclais pas la boucle, cela n’avait pas de sens. 

 

Quand vous avez commencé à tourner vos propres films, vous vouliez avant tout apprendre à faire du cinéma ou aviez-vous déjà cette conscience d’immortaliser, d’archiver le moment présent dans une perspective un peu nostalgique ?

Non, je n’avais pas de nostalgie. Surtout quand on est jeune, on n’y pense pas forcément. Moi je ne me projetais pas du tout dans le futur. En revanche, j’avais envie de conserver le moment présent, notamment quand je filmais mes petites copines. C’était les moments heureux. Ce sont des moments dont on a envie de garder la trace, dont on a envie de se souvenir plus tard. 

Ensuite, il y avait effectivement la démarche d’essayer de faire des choses avec une caméra, d’apprendre à filmer, de s’entraîner pour faire des films plus tard. J’avais déjà ce désir-là même en Super 8. Il faut avoir en tête que, quand on tournait sur pellicule, il n’y avait pas l’instantanéité qu’on a maintenant avec le numérique. Déjà, on ne voyait même pas l’image, on la devinait dans un viseur. Ensuite, comme on tournait sur pellicule, il fallait ensuite la faire développer. Elle revenait deux semaines après. Il y avait cette attente de voir ce qu’on avait tourné. Parfois, on ne se souvenait même pas de ce qu’on avait tourné et on redécouvrait des images. C’était tout à fait partie prenante de cette démarche de tourner.

 

Entre votre film “Et j’aime à la fureur” et celui d’Annie Ernaux et de son fils, “Les Années Super 8”, tous deux présentés à Cannes en mai dernier, on peut dire que le cinéma amateur fait son coming out en sortant sur grand écran. Comment expliquer cet intérêt grandissant pour le cinéma amateur ?

Ce n’est pas totalement nouveau. Par le passé, il y a déjà eu La Vie Filmée. On a aussi un certain nombre de documentaires américains -parce que les Américains filmaient beaucoup plus que nous- qui utilisent des images d’amateurs. Il y a des scènes très célèbres, je pense notamment aux images de Marilyn Monroe tournées en Super 8 sur un tournage. Il y a en réalité plein de documentaires avec des images en Super 8, en Kodachrome, etc. 

Ces images sont précieuses car elles sont une part de nous-mêmes. Pour moi, elles ont toujours intéressé les sociologues et les historiens qui savent que c’est un matériau très intéressant. Il y a aussi des personnes qui, par régionalisme, s’intéressent à des régions et cherchent des images anciennes. 

Ce qui est vrai, en revanche, c’est qu’il y a des modes et qu’aujourd’hui, on peut plus facilement numériser qu’avant.

 

Avez-vous l’intention de mener d’autres projets en lien avec des films amateurs ? 

J’ai envie de refaire un film, une suite de “Et j’aime à la fureur”, mais pas tout de suite car à partir du moment où je raconte ma vie, il faut que j’aie un peu vécu. Dans 10 ans, peut-être, quand je serai plus vieux et qu’il me sera arrivé des choses. Et puis, j’ai tellement de films à regarder encore. 

En même temps, j’ai envie de faire des films de fiction. Je ne veux pas devenir le spécialiste des films amateurs. 

 

Et quelles perspectives avez-vous pour votre collection de films amateurs en tant que telle ?

Peut-être les donner à des cinémathèques ? Ces films sont faits pour être vus, pas pour rester sur des étagères. Ils n’existent que lorsqu’ils sont vus. Ils doivent donc être accessibles. C’est un patrimoine commun. Moi j’ai fait “Et j’aime à la fureur” par passion pour le cinéma, mais je ne m’en sens pas le propriétaire.

 

Au fond, qu’est ce que vous trouvez dans les films amateurs que vous ne trouvez nulle part ailleurs ?

Il y a une authenticité folle. Il y a une véracité qui est liée à plein de choses. D’abord, en général, on sait que c’est vrai à la manière dont c’est filmé, quelques fois malhabile, et à la manière qu’ont les gens de se comporter face à la caméra. C’est le côté brut du cinéma. C’est retrouver la magie du cinématographe, la machine à enregistrer le réel et à le reproduire. Je suis complètement fasciné par ce temps qui semble insaisissable. J’ai toujours eu le sentiment de ne pas avoir vécu, de ne pas avoir grandi, d’être resté un adolescent attardé…ça me travaille énormément. Le cinéma amateur, c’est ce réel qui vous saute aux yeux. C’est de la vraie vie qui est là avec ses accidents, son imprévisibilité. 

 

“Je trouve ces films fascinants car ils emmagasinent les sentiments des gens qui ont filmé”

 

 

Certains de ces films n’étaient d’ailleurs pas faits pour être vus par d’autres. Donc, déjà, on les détourne de leur fonction première en les regardant. Il y a ce côté voyeur qui est intrinsèque au cinéma. On pénètre dans l’intimité familiale de personnes qu’on ne connaît pas. Ces gens qu’on voit à l’écran sont pratiquement tous morts, ils sont anonymes, on ne sait rien d’eux mais ils continuent d’exister simplement parce que quelqu’un qui les aimaient a pris une caméra et les a filmés. On en apprend un peu sur eux, on connaît leurs visages. Il y a des personnages attachants juste à leurs visages et un visage dit tellement de choses…

Moi, je trouve ces films fascinants car ils emmagasinent les sentiments des gens qui ont filmé. On filme souvent des êtres aimés, ses enfants, son amour, ses amants, ses parents et on filme les moments heureux. Une partie de ces sentiments, de ce bonheur est inscrite dans la pellicule. 

 

Propos recueillis par Inès Edel-Garcia le 10 juin 2022

 

Voir la bande-annonce