Publié le 25 novembre 2022
En 1922, Charles Pathé invente le Pathé-Baby, un petit projecteur qui va révolutionner l’accès privé et pédagogique aux images animées. Un an plus tard, en 1923, la caméra Pathé-Baby donne naissance à une nouvelle génération de cinéastes amateurs en imposant le format en 9,5 mm. À l’occasion du centenaire du projecteur Pathé-Baby, la Fondation Jérôme Seydoux Pathé propose jusqu’au 4 mars 2023 l’exposition “Pathé-Baby, le cinéma chez soi”. Une grande rétrospective sur un progrès à la fois technique et industriel qui a accompagné un grand nombre de familles et qui a durablement modifié leur rapport à l’image.
“C’est moi le projectionniste !” lance le jeune comédien qui interprète Jacques Demy enfant dans Jacquot de Nantes, le film qu’Agnès Varda a consacré au cinéaste en 1990. Devant lui, un Pathé-Baby, un petit projecteur simple d’utilisation grâce auquel Pathé a fait entrer le cinéma dans les foyers au début des années 1920. Un concept d’autant plus révolutionnaire qu’à l’époque, il faut s’imaginer que “les gens étaient vierges d’écran” rappelle Anne Gourdet-Marès, co-commissaire de l’exposition et également responsable de la collection des appareils cinématographiques de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé.
Dès 1912 pourtant, l’apparition simultanée de deux projecteurs – le Kinétoscope Home Edison et le Pathé-KOK – avait marqué un tournant majeur dans l’histoire du cinéma amateur avec leurs films ininflammables en 22 mm et 28 mm. Mais très coûteuses, ces innovations avaient finalement été abandonnées avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Populariser le cinéma à la maison
Quand Charles Pathé invente en 1922 le projecteur Pathé-Baby, l’industriel démocratise un nouveau loisir : un cinéma plus populaire, depuis chez soi. C’est le début d’une “cinéphilie de salon” et d’un nouveau rituel autour des projections à la maison où l’“on s’amuse à être son propre programmateur” explique Anne Gourdet-Marès.
Pathé-Cinéma propose, à la vente ou à la location, une série de films d’édition compilés dans un catalogue. Des versions réduites des films Pathé mais également des films dont Pathé a acheté les droits de manière à découvrir ou redécouvrir des films initialement destinés au grand écran. Au départ, la Filmathèque compte 194 titres avant de s’étoffer au gré des suppléments et d’atteindre 5 000 titres. “On passe de spectateur à consommateur de films, et, en plus, on est acteur de la programmation” précise Anne Gourdet-Marès.
A partir de 1923, grâce à la caméra Pathé-Baby, on devient même réalisateur de ses propres films. Alors que les pellicules Kodak en 16 mm et en 8 mm étaient légion, Pathé introduit le 9,5 mm avec une perforation centrale. Un progrès technique inspiré du 35 mm professionnel qui permet d’économiser les gestes, de rembobiner et qui, par conséquent, contribue à faire évoluer les prises de vue.
Véritable offensive marketing
Mais le phénomène Pathé-Baby ne s’arrête pas là. Affiches publicitaires dans les catalogues des grands magasins et dans les almanachs, placement de produits dans les films Pathé, mise en scène des vitrines des revendeurs – des photographes bien-sûr mais également des pharmacies, des drogueries, des opticiens, des herboristes, démonstrations grandeur nature par des commerciaux comme Jean-Gabriel Duthil en mai 1926 à Lille…tout est bon pour faire connaître le matériel Pathé-Baby.
Toujours en 1926, Pathé décide de lancer Le cinéma chez soi, une revue qui sert dans un premier temps à présenter le catalogue de films Pathé mais qui, peu à peu, s’intéresse aux vedettes de cinéma et délivre des conseils techniques.
En plus du projecteur, des films d’édition, de la caméra et de la pellicule, Pathé Cinéma lance une véritable offensive marketing avec une panoplie d’accessoires et de produits dérivés : posographe pour choisir la bonne ouverture de l’iris, colle Pathéine pour faire du montage, pince à encocher pour créer des arrêts sur image, titreuse pour pouvoir insérer des cartons-titres, jusqu’au kit pour développer soi-même la pellicule plutôt que de l’envoyer au laboratoire Pathé-Baby à Joinville-le-Pont.
Un déploiement à grande échelle
Le matériel Pathé-Baby se diffuse un peu partout en France, mais principalement dans le Nord et le Nord-Est du pays, “là où il y a de l’industrie et du cinéma” fait remarquer Anne Gourdet-Marès. La Compagnie des chemins de fer du Nord installe d’ailleurs en 1935 un projecteur Pathé-Baby dans un wagon pour faire découvrir en images aux voyageurs les points d’intérêt desservis par la ligne. Des concours de scénarios de films sont également proposés au sein des clubs amateurs, contribuant à faire vivre le concept Pathé-Baby indépendamment de l’entreprise Pathé.
Le projecteur Pathé-Baby devient même un outil d’instruction dans les écoles et les salles de patronage. L’objectif est clair : éviter que les écrans rendent les enfants inactifs en proposant des films d’enseignement. “On cherche à susciter un savoir encyclopédique” raconte Elvira Shahmiri, co-commissaire de l’exposition.
Bientôt, le concept Pathé-Baby s’exporte à l’international avec l’ouverture de concessions en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, dans les colonies, avant d’atteindre plus largement le monde entier.
Une industrie de plus en plus concurrentielle
Progressivement, la stratégie de Pathé évolue. L’entreprise choisit de se repositionner sur le perfectionnement de sa technologie. “L’enjeu est celui de la prise de vue et moins celui du catalogue” souligne Anne Gourdet-Marès. Pathé-Baby Super, Pathé Kid, Pathé Lux, Pathé
Vox, le Joinville, Pathé Marignan, Pathé-Baby 53, Pathé Webo…les modèles se déclinent et se succèdent pour permettre à Pathé d’occuper tous les segments du marché et de s’adapter à l’avènement du son et de la couleur. “Pathé, qui avait démarré comme un fabricant de pellicule devient de plus en plus un fabricant d’appareils“ fait savoir Anne Gourdet-Marès.
Mais en face, la concurrence est rude. A partir des années 1950, le marché devient de plus en plus concurrentiel avec Kodak mais aussi d’autres fabricants de matériel comme CinéGel, Heurtier, Beaulieu ou encore Ercsam. La production Pathé-Baby s’arrête dans les années 60, au moment où apparaît le Super-8. La télévision débarque de son côté dans les foyers et participe à la disparition progressive du matériel Pathé-Baby dans les années 1980.
L’exposition «Pathé-Baby, le cinéma chez soi » Du 6 septembre au 4 mars 2023 à la Fondation Jérôme Seydoux Pathé, Paris 13e
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