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LES MIDINETTES À CANNES

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Auteur(e) : Milana Tsakaiev

Publié le 30 juin 2023

76è festival international du film

CE QUE J’AI VU À CANNES 

Carnet de bord d’un voyage du 18 mai au 22 mai 2023 

Quitter le temps d’un long week-end les paysages des Hauts-de-France pour rejoindre les nombreuses affiches de films, les strasses et paillettes de la Croisette et ses alentours. Dans cette série d’articles, vous allez pouvoir retrouver ma petite déambulation avec une météo proche de celle de la Picardie. 

JOUR 1, le jeudi 18 mai 2023 : LE TRAJET 

Pour ce premier jour, il est difficile de conter quelque chose autour de Cannes. Je peux donc vous faire un retour sur ce parcours entre Paris – point de départ de ce périple – jusqu’à Cannes. Le départ a eu lieu le 18 mai 2023, le Festival de Cannes avait déjà commencé avec quelques polémiques, notamment sur le choix du film d’ouverture. La soirée d’ouverture et le premier jour à Cannes sont; à ce moment-là, seulement des espérances, des vidéos des éditions précédentes et une attente accrue de croiser les personnes qui travaillent dans le milieu. Notre première approche du Festival de Cannes est la rencontre avec notre conducteur de covoiturage, Lancelot, un homme de 29 ans qui a monté pour la première fois les marches du tapis rouge à 18 ans pour présenter son nouveau film, En direct sur… Notre trajet était alors constitué de conseils pour avoir des places dans les théâtres ou dans les soirées très prisées de Cannes. 

A l’issue de notre voyage à travers la France de plus de 12h, nous arrivons à Cannes, où nous avons été émerveillées par la foule, le premier regard sur les marches rouges ou surtout ces affiches qui présentent les nouvelles productions. Mais, à cause de notre arrivée tardive, nous n’avons pas eu le temps de nous balader dans les rues bondées de la Croisette, nous devions courir à toute allure à notre premier film de cette escapade : Tiger Stripes, un film malaisien présenté dans la Semaine de Critique d’Amanda Nell Su! 

Nous avons eu l’occasion de voir ce film dans une salle éloignée du tapis rouge, la salle Alexandre III. Ce film raconte l’histoire d’une jeune fille de 12 ans qui vit dans un petit village malaisien et la manière dont elle vitsa puberté, dans une école où les règles sont un sujet tabou. Elle subit alors des moqueries de ses camarades de classe à cause de son corps changeant. Cette question de la puberté est appréhendée d’une manière très intéressante, parce que la question de la liberté est envisagée sous l’angle de la science-fiction. L’arrivée de ses règles lui donne des forces mystérieuses, elle se transforme alors en une sorte de tigre. Cette transformation, lui permet d’exprimer clairement sa rage mais aussi son emprise sur cette puberté ! Ce film est une vraie libération sur ce passage à la puberté et le regard des autres, notamment pour la question des tabous! C’est un film fort en émotion qu’on recommande vivement, et c’est un point de départ parfait à Cannes, notamment à cause des polémiques misogynes. 

La soirée s’est terminée avec ce film, nous avons eu l’occasion ensuite de profiter pendant quelques brèves minutes de la montée des marches. 

JOUR 2, le vendredi 19 mai 2023 : IL PLEUT DES FILMS! 

La journée de vendredi n’était pas clémente d’un point de vue météorologique. Notre deuxième jour dans la capitale française du film est sous le signe des parapluies (de Cherbourg!). Les rues sont bondées de festivaliers se promenant avec des parapluies et regardant la grande affiche du festival avec Catherine Deneuve trônant au-dessus des fameuses marches rouges. Que faire lorsque la pluie s’abat durant un festival de cinéma ? On regarde des films. 

Avec mes compagnons de route, nous avons passé la journée dans les divers cinémas de Cannes et de sa périphérie pour voir cinq films, voici notre marathon : 

Le premier film est présenté par la Quinzaine des cinéastes dans le cinéma des cinéphiles, à la Licorne. De toute la programmation ce film fait partie de mes favoris, c’est The Sweet East de Sean Price Williams. Voir ce film en première séance à 9h nous met dans une drôle d’ambiance mais nous permet surtout d’être très réveillées grâce à son rythme très rapide. Ce film raconte les maux des Etats-Unis actuels à travers le regard d’une lycéenne, Lillian, qui fugue durant un voyage scolaire. Le film raconte sa déambulation à travers les différentes radicalités aux USA : des extrêmes comme des nazis, des islamistes en passant par des petites bulles comme des néo-punks (“des artivistes”) et des réalisateurs avant-gardistes. Le film se présente comme une ballade à travers ces différents milieux sociaux et politiques, où l’innocence de la lycéenne se retrouve confrontée à ce monde de violence comme la corruption, de législation des armes et de l’existence de nombreux groupuscules de l’autre côté de l’Atlantique. Le dynamisme de la réalisation et l’originalité avec laquelle ces sujets sont traités font de ce film une belle création. 

Durant cette journée, nous avons changé d’ambiance à plusieurs reprises. Pour le deuxième film de la journée, nous avons regardé une comédie romantique de Monia Chokri, dans la grande salle du Cineum Imax. Simple comme Sylvain, présenté dans le cadre d’Un certain regard, est un film qui prend place à Montréal. Elle raconte la vie de Sophia, une professeure de philosophie qui partage sa vie depuis plus de 10 ans avec son compagnon Xavier, également un intellectuel passionné par les livres. Venant d’une famille aisée et ayant une stabilité professionnelle, elle vit une vie plutôt modeste, a une vie sociale entourée de ses amies en couple également. Sa vie est chamboulée lorsqu’elle rencontre Sylvain, un ouvrier en bâtiment, pour qui les sentiments ne vont que croître! Le film est complètement différent du précédent, mais on retrouve un trajet d’écriture assez réfléchi, amenant de l’humour et du rythme au film. Le monde qui sépare la vie de Sophie et celle de Sylvain est également au centre du film, et les personnages sont dépeints d’une telle manière qu’il est impossible de ne pas s’émouvoir face au traitement que subit Sylvain. Ce film met l’accent sur des stéréotypes sociaux et sur la lutte des classes, parfois de manière trop cliché pour une comédie romantique…Mais celà reste un film plutôt divertissant et émouvant, un bon film à regarder un vendredi pluvieux! 

A la fin de ce film, c’est de nouveau la course contre la montre pour voir le prochain, avec un retour à la salle de la Licorne! C’est une journée autour de la Quinzaine des cinéastes et nous avons décidé de regarder Déserts de Faouzi Bensaïdi ! Les trois premiers films de la journée, et je m’en rends compte maintenant, sont en fait des films comiques. Avions-nous besoin de rigoler pour nous remonter le moral en ces temps pluvieux ? Eh bien, pour ce film là, c’est direction le soleil et le désert, où nous suivons le périple de Mehdi et Hamid, qui travaillent pour une agence de recouvrement dans le Sud du Maroc. Le film a des codes proches du western et le scénario est très drôle autour du capitalisme et de manière satirique. Mais, pour apprécier un film à sa juste valeur, il faut être dans une ambiance propice et à ce moment-là, après avoir passé la matinée au cinéma, les esprits commençaient à être fatigués. De ce que nous avions pu apprécier, c’est l’approche originale et la volonté de montrer le Maroc d’une autre manière. 

Après ce film, il nous fallait une pause, une vraie. Nous avons décidé de profiter de la pluie pour faire un petit pique-nique sur le sable du cinéma de la plage, où se déroule, tous les soirs, une séance de cinéma gratuite pour tous les festivaliers. La programmation est composée d’anciens films qui ont été déjà diffusés à Cannes et qui ont bénéficié d’une restauration. Cela permet à tout le monde, même ceux qui n’ont pas d’accréditation, de profiter un peu de la magie du Festival de Cannes. A cause de notre arrivée tardive la veille, nous n’avons pas pu profiter des fameux cocktails ou soirées proposés par les différentes compagnies présentes sur le festival. Il était temps, après ce troisième film, de profiter de cette ambiance. Nous nous sommes procuré des invitations pour la plage de la Quinzaine, où une ambiance particulière régnait. Le but de ces cocktails/apéritifs est de présenter de nouveaux médias ou de nouveaux films. Ce vendredi-là, il y avait donc une mise en valeur des images mises à disposition par l’Armée et plus particulièrement la Protection civile. Des images de leur travail en plus d’une proposition d’immersion à l’aide d’un casque de réalité virtuelle étaient proposées. Pour la séance de 19h15, nous sommes allées dans la magnifique salle Agnès Varda pour regarder le nouveau film de Kleber Mendonça Filho, Retratos Fantasmas. C’était une séance spéciale où le cinéaste présentait son nouveau film à base d’images d’archives. Retratos Fantasmas décrit l’histoire des grands cinémas du centre-ville de Recife au XXe siècle. A l’aide d’images d’archives, et notamment des témoignages capturés sur VHS, le cinéaste nous montre le patrimoine culturel de ces cinéastes et comment la passion pour le cinéma lui est venue. Kleber utilise différents médias pour nous conter cette histoire : ses films personnels en Super 8, des extraits de films, de la télévision et des photographies de l’époque. Il confronte toutes les archives avec des images contemporaines pour montrer l’évolution de ce quartier de Recife et le délaissement des grands cinémas de la ville par l’Etat. C’est un film qui m’a particulièrement plu parce que l’on peut voir comment dans un film sur un patrimoine culturel on peut multiplier les médias sans que cela devienne chronophage ou que l’on soit perdu dans toutes les informations. C’était également émouvant comme séance, puisque c’était notre première “vraie” séance à Cannes avec la présence de l’équipe du film. Kleber a pu nous expliquer combien ça l’avait touché tous les changements de la société brésilienne et à quel point c’était important pour lui de faire ce film. Certains témoignages et images d’archives que l’on peut voir dans le film proviennent de son propre fonds puisque ce sont des images qu’il a tournées alors qu’il était étudiant à l’Université. Un film que je recommande vivement ! 

Nous avons fini en beauté avec la séance de minuit au Théâtre Lumière dans une ambiance folle. Pour la dernière séance nous avons eu l’honneur de monter les marches pour voir Omar le fraise, un film algérien de Elias Belkeddar. En montant les marches, nous avons été accueillies par des musiciens, qui jouaient des musiques de fêtes algériennes. Généralement, l’équipe des films qui passe au Théâtre Lumière choisit elle-même les musiques, et pour ce film ce sont des musiciens. Une fois que l’équipe s’est installée dans la salle, le film a commencé. C’était une de mes meilleures séances de cinéma que j’ai vu de ma vie… ça me rappelle les témoignages de personnes qui ont assisté à des séances dans les années 50 ou 60. Durant le générique du début, il y avait de la musique de mariage, ce qui crée une dynamique dans la salle incroyable, les spectateurs ont commencé à tous applaudir au rythme du son et à rigoler de vive voix ! Le film raconte l’histoire d’un bandit, en cavale en Algérie , et qui essaye de se reconvertir et de commencer une nouvelle vie, notamment en investissant dans une usine qui fabrique des biscuits. Ce film est frais et très drôle, avec des images magnifiques ! Une bonne manière de finir ce marathon de films! 

JOUR 3, le samedi 20 mai 2023 : LES MARCHES 

Après le marathon de la veille, nous avons décidé d’annuler nos films de la journée du samedi pour ne garder que la dernière séance. Nous avons voulu d’abord profiter un peu de notre matinée et de découvrir aussi les autres raisons de venir à Cannes, à savoir le marché du film et les pavillons internationaux. Ce sont des lieux de rencontre avec des professionnels au bord de la plage. Nous n’avons pas trouvé notre bonheur au marché du film, où sont situés tous les producteurs de tous les pays. Nous avons décidé de faire le tour des pavillons internationaux pour échanger avec les représentants de différents pays. Cette tournée s’est terminée avec une rencontre avec les présidents de l’ACID, qui ont promu le rôle des jeunes ambassadeurs. Ensuite, nous sommes retournées sur la plage de la Quinzaine, dans l’espoir de rencontrer quelques équipes de films. La journée s’est terminée avec la montée des fameuses marches pour le nouveau long-métrage en compétition de Todd Haynes, May December. Les marches à Cannes sont le moment pour les cinéphiles de voir les grands noms du cinéma, c’est l’image iconique de Cannes dans le monde entier. Mais, pour ma part, je trouve que la montée des marches est un peu inutile, je m’explique. Pour les séances de 19h et de 22h au Théâtre Lumière, il faut s’habiller avec une tenue type de gala, un petit pictogramme sur le billet rappelle cette importance. Pour les hommes, il faut impérativement un costume bleu nuit ou noir 

avec un noeud papillon ! C’est le sésame pour rentrer à la séance. Pour les femmes, il faut porter des chaussures élégantes, de préférence avec des talons, et une robe ou un costume de gala. Ensuite, il faut faire la queue devant les marches rouges, pendant une heure

environ, pour rentrer avant l’équipe du film et les stars qui viennent à Cannes. Toutes ces étapes sont mises en place pour voir le film, et ça enlève un peu le plaisir de la séance de cinéma. De plus, la conférence de presse autour du film a lieu le lendemain, l’équipe du film n’a donc pas le temps dans la séance de pouvoir présenter le film : ce n’est que de l’apparence. De plus, monter les marches attire énormément de personnes, notamment les influenceurs, ainsi, dès le début du film, de nombreuses personnes quittent la salle de cinéma : c’est injuste pour la centaine de cinéphiles qui font la queue “Last minute” à l’extérieur du Palais et qui n’ont pas l’opportunité de voir le film. Pour parler un peu plus du film, c’est un film très intéressant tourné sous la forme d’un soap opéra avec Natalie Portman et Julianne Moore. Le film raconte l’histoire d’une femme de cinquante ans, mariée à un trentenaire, Joe (interprété par Charles Meton). Le problème c’est qu’ils se sont rencontrés lorsque Joe n’avait que 13 ans. Le couple est suivi par Elizabeth, qui les observe parce que c’est une actrice célèbre qui souhaite incarner la cinquantenaire dans son prochain film. Le film parle de violence psychologique et c’est un drame tourné d’une manière qui apporte parfois de la légèreté et de l’humour à un sujet compliqué à aborder. 

JOUR 4 : le dimanche 21 mai 2023 : UN DIMANCHE CINÉMATOGRAPHIQUE ENSOLEILLÉ 

Notre dernière journée à Cannes. Pour la finir en beauté, nous avons décidé de choisir un film à l’aveugle. Le titre How to have sex nous avait beaucoup attiré. Nous avons eu l’occasion de croiser l’équipe du film un soir dans la rue, et leur enthousiasme nous a donné envie de voir le film ! C’est le premier long métrage de Molly Manning Walker et il est présenté dans le cadre d’Un certain regard à la Licorne. Ce film met en scène trois jeunes filles, Tara, Skye et Em qui s’offrent des vacances pour célébrer la fin du lycée. Elles se rendent dans un hôtel au bord de la plage, très fréquenté par les jeunes. Une des préoccupations de Tara durant ce séjour est de perdre sa virginité, mais à quel prix ? Si le film commence avec énormément d’euphorie et de dynamisme, nous sommes très vite rattrapés par le sujet central de l’histoire : le viol et la difficulté qu’on les victimes à s’exprimer. C’est un teen drama qui est nécessaire dans notre société actuelle, en espérant que ce film circule et qu’il permette de mieux appréhender ce sujet. Et nous venons d’apprendre qu’il a remporté le prix d’un Certain regard ! Nous avons essayé de profiter du beau temps et de notre dernière journée à Cannes avec une petite promenade au bord de la plage et la première baignade de l’année avant d’aller voir notre dernier film du festival. 

Nous avons vu un autre film en compétition : Banel & Adama de Ramata-Toulaye Sy. Ce film raconte l’histoire d’uncouple qui habite dans un village éloigné au Nord du Sénégal. Le couple est mis en péril lorsque Adama refuse de donner son sang dans une cérémonie pour sa place de futur chef du village. Cette décision leur vaut d’être jugés par les autres villageois. 

Pour finir notre séjour en beauté, nous nous sommes fait plaisir avec la pizza la plus réputée de Cannes : Chez Francis Cresci. Il aurait ouvert son établissement sur le Vieux Port de Cannes, et il aurait accueilli les plus grandes stars, comme Fernandel, Catherine Deneuve ou bien John Travolta ! 

JOUR 5 : le lundi 22 mai 2023 : LE DÉPART 

Notre séjour cannois s’est terminé le 22 mai, mais c’est l’esprit plein de films que nous repartons ! Dans ce dernier paragraphe, je pourrais mentionner quelques films que j’ai n’ai pas eu l’occasion de voir mais dont les retours me poussent à aller les découvrir lors de leur sortie : Monster de Kore-Eda Hirokazu; Les filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania, Asteroid city de Wes Anderson, Il Sol dell’avvenire de Nanni Moretti, Riddle of Fire de Weston Razzoli, Linda veut du poulet! de Chiara Malta & Sébastien Laudenbach ou Lost Country de Vladimir Perisic.

 

Par Milana Tsakaiev

Sources documentaires :